Dulce Maria Loynaz (1903-1997), poétesse cubaine
La femme de fumée
Homme qui m'embrasses,
il y a de la fumée dans tes lèvres.
Homme qui m'enlaces,
il y a du vent dans tes bras.
Tu as clos le chemin,
j'ai continué au loin;
tu as élevé une tour,
j'ai continué de chanter...
Tu as creusé la terre,
je suis passée lentement..
Tu as bâti un mur,
Je me suis envolée!
Tu as la flèche :
moi j'ai l'espace;
ta main est d'acier,
et mon pied est de satin...
Main qui retient,
pied qui s'échappe indulgent...
La flèche est tirée !
(l'espace est vaste)...
Je suis ce qui ni ne reste
ni ne reviens. Je suis ce qui
se dissoud en tout
ce qui n'est nulle part...
Je me perds dans l'obscurité,
je me perds dans la clarté,
à chaque minute
qui passe... Dans tes mains.
Fumée qui grandit,
fumée fine et longue,
grandie et déjà brisée
sur un ciel pâle...
Homme qui m'embrasse,
ton baiser est en vain...
Homme qui m'enlace :
Il n'y a rien dans tes bras !
traduit de l'espagnol par E. Dupas