Julia de Burgos (1914-1953)
Chanson nue
Réveillée des caresses,
je sens encore en mon corps ton étreinte me parcourir.
frémissante et légère je continue d'avancer dans ton image.
Il fut si profondément instinctif mon simple appel !
De moi ont fui les heures de volonté robuste,
et humble de raisons, elles ont laissé là ma sensation.
Et je n'ai pas su les âges ni les pensées rigides.
J'ai été la Vie, mon aimé !
La vie qui passait par le chant de l'oiseau
et l'artère de l'arbre.
j'aurais pu avoir tiré d'autres notes plus douces
mais mon désir fertile ne connaissait pas de raccourcis:
je me suis cramponnée à l'heure folle,
et mes feuilles sauvages se sont courbées sur toi.
Je me suis abandonnée à la pureté d'un amour à découvert,
qui portait ma vie de l'irréel à l'humain,
et j'ai du me voir toute en cris et en larmes,
en souvenir des oiseaux !
Je n'ai pas su me prémunir d'invincibles courants,
je fus la Vie, mon aimé !
La vie qui en toi égarait son cours
pour se donner à mes bras.
traduit de l'espagnol par E. Dupas