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22 mai 2012 2 22 /05 /mai /2012 16:24

 

koulsy lakmo

 

Koulsy Lamko (1959 -), poète tchadien

 

 

N'Djamena

 

Cette putain de ville

qui ne sait pas taire les batifolements de ceux qui forniquent

cette ville de lépreux aux doigts gourds

cette ville de mensonges où l'on tue les lapins

qui traversent la rivière pour un paquet de sucre


Ville four pour cuire le cuir de l'hippopotame

quand soufflent les alizées de l'aride désert

mars avril mai juin

cette ville qui s'accroche entièrement à l'oeil, à la gueule, à la narine


Ville poussière

aux rues en damier, jonchées de sacs plastiques noirs

ici devant l'Hôtel de ville

au milieu des immenses piles de détritus de boîtes de poubelles

s'échangent les alliances de fiançailles


Ville bourbier de saisons des pluies, ville lacustre 

inondée par la moindre goutte de pluie

on n'a plus pied dans l'eau

dans les maisons de pisé et les occupants

de porter leurs mocassins sur le crâne 

pour la traversées des rues-ruisseaux

et d'appuyer leurs pantalons sur les monticules

avant de revenir s'immerger dans le tumulte du Béguinage


Grosses mouches vertes, araignées

sauterelles tristes en désordre,

préservation de la faune; de la nature;

de l'éco-système;

Beauté réservée, pour finir à l'Unesco

en manière de patrimoine mondial de l'humanité

ici l'on sait conserver l'héritage néolithique

Toumaï est des nôtres


je sens les scarabées rampants gavés de bouse

à la parade nuptiale de l'hippodrome

qui s'en retournent à califourchon dans leur tombe

transportant, agitant les victuailles en boules rondes

la nourriture d'années de défécation

un grande et lourd cathéter noir

enroulé dans sa viscosité

l'énorme pâte de mil rouge

ici les jardins sont des latrines


Ville carnivore et sangsue

l'adolescence voyage jusqu'à la dissolution

voleuse, la joue balafrée

on se déchire les nerfs, la chair

pour se faire bandit


et les coyotes ingénus sous les couvercles de poubelle

fouillent pour trouver des morceaux de chair rebelle

se raccroche à l'os de poulet mastiqué

les chiens ont le museau si faible

que le plus petit tibia est trop lourd à porter

 

Et pendant que se noient les hommes -

mouche perdue dans les vapeurs d'alambic

la conscience dans la pâte de manioc

se nourrit de cyanure en intraveineuse

On me dit qu'ici l'on se repose

mais je ne peux pas croire que le suicide est un destin

De quoi se repose-t-on dans une telle désolation ?

Ne pouvions nous plus continuer de marcher ?

Il vaut mieux faire quelques pas de plus

qu'être né fatigué, épuisé et exténué

pour dire qu'ici c'est : N'Djamena !

la Dernière station fatale !

 

 

traduit de l'adaptation espagnole d'Araceli Zuleta Zarco par E. Dupas

 

 

 

 


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