Le Roi Guignon
C’est le Roi-Guignon nyctalope
Qui m’a trouvé, là, dans la nuit,
En tel triste bar interlope
Bavant d’ivresse, saoulé d’ennui…
Je contais fleurette à ma chope
Quand il entra sans faire de bruit.
Les gueux bâfraient leurs escalopes,
Chacun au fin fond de son puits.
Lors le Roi Guignon Nyctalope,
Au costume rincé par la Pluie,
S’assit près moi, puissant cyclope,
Ebranlant la table de buis.
Moustachu comme le grand Procope,
Cet être tout de muscles construit
Me fit l’effet d’un vaste hallope
Tombé sur moi, et m'ayant pris !
« J’ai traversé toute l’Europe
Pour enfin condamner celui
Que tous les malheurs rendront myope
Sur qui le mal prendra appui. »
J’ai la sagesse d’un Esope ;
Saches que c’est toi qui fus déduit
par mon jugement de microscope ;
L’enfer commence dès Minuit !"
Comme j’étais au Fantasmascope
Où le pire alcool conduit,
N’oyant qu’absurdes apocopes,
Je demeurai coi, interdit.
Je lui proposai une chope
A boire entre virils débris,
Pour qu’en le kaléidoscope
A mon instar niais il rie.
Piteux qu’un amour mort éclo-
-Pait depuis 3… Je m’étendis
Sur la belle aux cheveux d’égilope
Qui m’avait tendrement trahi.
Mais ouvrant gueule d’héliotrope,
Le Guignon bien fort répondit :
« Semblable à la belle antilope
Qui du plus loin le fauve fuit,
La Joie te fuira ; que salope
toute ta vie, que frappe à l’huis
de ton toit sans fin - Pénelope
de ton malheur- mon mal prédit. »
Comme résonnait un be-bop
Au timbre morne, affadi,
Je m’affaissai, et la varlope
Du sommeil noir m’anéantit.
Mais depuis que le Nyctalope
Et grand Roi Guignon m’a choisi,
Oh Dieu, ce que j’écope, j’écope !
Et j’ai gémi jusqu’aujourd’hui.