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Julia de Burgos (1914-1953) : la voix tourmentée de Porto Rico

 

 

Une des très rares voix féminines de la littérature portoricaine, mais assurément l'une des plus importantes, Julia de Burgos fut à la fois poètesse, dramaturge, institutrice, féministe, militante en faveur de l'égalité civique et fervente partisane de l'Indépendance nationale. Son oeuvre poétique a compté parmi les plus remarquables de la littérature latino américaine du XXème siècle et elle fait désormais partie de la "mythologie nationale" portoricaine.

 

Julia De Burgos naquit le 17 février 1914 à Santa Cruz, quartier humble de la ville de Carolina. Issue d'une famille nombreuse et pauvre (elle est l'aînée de 13 enfants dont 6 mourront de malnutrition), Julia eut la chance d'avoir des parents soucieux de son instruction. Elle commença donc des études primaires dans une école de Santa Cruz où elle fit rapidemment montre de grandes aptitudes intellectuelles. A la ville de Carolina, elle poursuivit ses études secondaires, puis bénéficia d'une bourse pour entrer au Lycée Universitaire de San Juan, la capitale et ensuite au campus Río Piedras de l'Université Nationale de Porto Rico, dans l'optique de devenir professeur. Elle n'eut pas la possibilité de pousser plus loin ses études supérieures, et se contenta d'un Certificat de maîtrise.

 

Julia de Burgos trouva en 1933 un emploi d'institutrice à l'Ecole élémentaire Feijoo de la modeste ville de Naranjito. Elle eut également une brève expérience d'écrivaine pour un programme radiophonique destiné à la jeunesse, mais elle en fut licenciée en raison de ses convictions politiques"trop prosélytes". L'année suivante, elle épousa Ruben Rodrigues Beauchamp et mit un terme à sa carrière professorale.

 

Devenue femme au foyer, Julia se consacra pleinement à l'écriture, mais aussi à la politique. En 1936, elle rejoignit le Parti Nationaliste Porto Ricain  et y assuma la fonction de Secretaire Géneral de l'association des "Filles de la Liberté", branche féministe de ce parti  indépendantiste. Son engagement passionné pour ses activités politique et littéraires affectèrent gravement son mariage et conduisirent Julia de Burgos au divorce dès 1937.

 

L'idée d'écrire de la poésie travaillait Julia de Burgos depuis le début de ses études, sous l'influence d'auteurs tels que l'espagnol Rafael Alberti ou le chilien Pablo Neruda. Elle eût tôt fait de publier ses textes dans des revues ou des journaux et d'éditer des recueils dont elle assura ellemême la promotion, en voyageant  aux quatre coins de Porto Rico pour des séances de lecture publique. La poésie de De Burgos oscille à ses débuts entre une fascination pour l'exubérante nature de son pays et la volonté de dénoncer la condition majoritairement misérable du peuple portoricain.

 

Ses premiers poèmes reposent sur trois piliers inspirateurs : la vie intime et sentimentale, la célébration du "jardin national" insulaire et la lutte sociale contre l'opression. Un de ses plus célèbres textes de jeunesse,  "Río Grande de Loíza"  illustre à la perfection cette triple ambition lyrique et politique  :

 

Río Grande de Loíza ! Fleuve immense. Larme immense / le plus grand de tous nos pleurs insulaires / si n'était pas plus grand le fleuve qui s'écoule / par les yeux de mon âme pour mon peuple asservi .

 

Mais par delà la célébration de Porto Rico et la dénonciation des souffrances du peuple, la poésie de Julia de Burgos reflète sa problématique vitale sous tous ses aspects : le féminisme, les errements de la vie, la difficulté des choix, l'amour sous ses multiples coutures, etc; ses textes revêtent une attrayante simplicité mais le plus souvent renvoient à l'image d'un amour hautement sensuel et déchirant. Le souffle et la puissance expressive qui habitent ses vers ne sont pas sans rappeler, servatis servandis, la poesíe amoureuse et torturée de l'uruguayenne Delmira Agustini ou celle de l'argentine Alfonsina Storni. L'oeuvre fut saluée par le maître Pablo Neruda qui n'hésita pas à qualifier Julia de Burgos de "plus grande poétesse d'Amérique latine".


Son oeuvre au lyrisme sophistiquée peut être caractérisée par une puissante capacité de projeter la feminité de son temps. Mais elle mettra par la suite plus encore en évidence le drame individuel de Julia, sa vie mouvementée et turbulente, son angoisse dévorante et l'intuition de l'imminence de sa mort.

 

A la fin des années 1930,  Burgos entama une liaison passionnée avec un physicien de République Dominicaine, le Dr. Juan Isidro Jimenes Grulló. Son attachement total à cet homme (l'amour de sa vie) lui inspira un très grand nombre de poèmes, qui témoignent de leur relation tumultueuse.  En 1939, Burgos et Jimenes Grullón voyagèrent à Cuba où la poétesse  suivit des cours à l'Université de la Havane. Ils déménagèrent ensuite à New York où elle occupa un emploi de rédactrice pour un journal progressiste, Pueblos Hispanos. Ce fut une période intense de création littéraire et de propagande culturelle. Malheureusement, peu de temps après leur retour à Cuba, la relation amoureuse se détériora. Après une tentative de rabibauchage, Julia divorce, quitte l'île et retourne seule à New York, subsistant grâce à des petits métiers manuels.

 

Elle fait alors la connaissance du musicien Armando Marín, qui l'épousa en 1943. Le couple s'installe à Washington. Sur place elle rencontre brièvement le célèbre poète Juan Ramón Jiménez et continue d'écrire des poèmes.. Mais cette nouvelle union se termine une fois encore par un divorce, prononcé en 1947. De retour à New York, son activité littéraire diminue en raison d'une profonde dépression et d'une instabilité psychique grandissante; malgré sa renommée de poète et de militante nationaliste et progressiste, Julia de Burgos sombre peu à peu dans l'alcoolisme, jusqu'à développer une féroce cirrhose hépatique, nécessitant plusieurs hospitalisations.

 

En février 1953, elle rédige au cours de son dernier séjour à l'hôpital un de ses ultimes poèmes, l'unique en langue anglaise, intitulé éloquemment "Adieu à Welfare Island". Elle y anticipe sa mort et révèle une vision sombre de son existence :

 

"Il doit surgir d'ici

en cette instance même,

mon pleur dans ce monde.

Mon pleur qui n'est déjà plus mien

mais à elle et lui à jamais

les camarades de mon silence

les fantômes de ma tombe." 


L'issue tragique de la poétesse portoricaine ne se fait guère attendre. Le 28 juin 1953, Julia de Burgos quitte la demeure d'un ami qui l'hébergeait à Brooklyn et disparait sans laisser d'indication sur sa destination ni d'explications. Ce n'est que le 6 juillet que ses connaissances découvrent qu'elle s'était effondrée sur un trottoir dans le quartier hispanique de Manhattan, avant de mourir des suites d'une violente pneumonie à l'Hôpital de Harlem, à l'âge de 39 ans. En l'absence de réclamation et d'éléments permettant d'établir son identité, la municipalité l'enterra dans l'unique fosse commune locale, située à Hart Island, sous le nom de "Jane Doe".

 

Finalement, quelques amis et proches de Julia de Burgos parvinrent à retrouver sa trace, sa tombe et réclamèrent son corps. Un commité fut organisé à Porto Rico, présidé par l'écrivaine Margot Arce de Vázquez pour exiger le transfert du corps vers l'île natale. Le cercueil de De Burgos arriva à Portorico le 6 septembre 1953. Une grande cérémonie funéraire eu lieu en son honneur au cimetière municipal de la ville de Carolina, ponctué plus tard par l'érection d'un monument à sa mémoire.


Pour saluer son oeuvre poétique et  sa contribution politique et sociale à Portorico, le Collège Universaire de Humacao lui octroie en 1987 un doctorat Honoris Causa de Lettres et humanités à titre posthume. la ville de San Juan a également rendu hommage à Julia de Burgos en donnant son nom à plusieurs avenues, écoles et institutions sociales et culturelles. La ville de New York n'a pas été en reste avec la fondation à Manhattan d'un Centre Culturel d'Amérique Latine répondant à son nom et d'un Centre d'Art Julia de Burgos à Harlem, à proximité du lieu de son décès. Quelques rues portent aussi son nom à Philiadelphie et dans le Connecticut.

 

Plus récemment, la productrice portoricaine Ivonne Belen a réalisé un documentaire sur la vie de Julia de Burgos, intitulé : "Julia, Toute en moi..." (2002) et le Service Postal des Etats Unis a édité en septembre 2010 un timbre de première classe à l'effigie de l'écrivaine.

 

JuliaDeBurgos44cent.jpg

 

 

 

Quelques poèmes de Julia de Burgos en Français :

 

 

Poème de l'agonie intime

 

Chanson de mon ombre minuscule

 

Chanson nue

 

Je fus la plus silencieuse

 

Il n'y a pas d'abandon

 

Presque l'aube

 

A Julia de Burgos

 

Rio Grande de Loiza

 

 


 

 

 

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