Géomanies : Afrique
Ô Paix,
riz très précieux dont les Dieux agréerent nos terres jusqu'à la plus fantastique opulence,
tu ne fus pas conçue pour ce continent.
Tu ne crûs que pour nous, les blafards. Ou plutôt, tu crûs ici pour que l'on meure là bas de ton absence,
et comprenne que ce monde est le grand impassible.
Ô Paix, tu n'allas pas au delà de cette mer.
Tu voulus tes grains circonscrits en ce lieu précis.
Au delà, tu voulus la mort, la torture mystérieuse et ses mille maux ambigus.
La mort ! Y tanne, y tanne comme un sourd le grand bâton de l'ironie sur tous les dos des tribus
déjà zébrées d'esclavage parmi savanes, sables et forêts.
Malheur et Damnation sont les deux saouls danseurs qui mènent la triste ronde de ta destinée, Afrique !
Jamais tu ne pourras un jour récap (Vertement le Mal hystérique, le Mal à huit bras assomme, alite le narrateur, et assène, égal, le martyr sans alibi qui va aiguisant, biseautant les
souffrances des troupeaux de chair d'ébène sous le ciel éternellement complice)
... Récapituler tes malheurs pour en faire le tri : continent calciné du martyr sans fin.
Les os totalement rongés par d'impudiques vautours, c'est encore trop peu pour vous nuées d'èbène hâves
blotties dans vos masques dogons impuissants :
Robustes masaïs, pygmées subtils, pieux touaregs : vous voici enfin réunis dans le cloître de votre extermination
au ralenti : la mer vous a cerné, que tout concoure à vous immoler !
Maladies miasmes, marabouts de gie, boue, tigres, crocs, dents, dards
moustiques et Sida,
suprême Sida bourreau inexpugnable de l'intérieur hydre parfaite,
que ce vase si lent défèque sur vous le supplice !
Ingambes inutiles, enfants en loques, aux ventres gonflés de désespoir, guanges aux lagons de pourriture,
macchabées nimbés de mouches, dont les faucons gobent les yeux sans repos,
les pupilles, sèchent, elles, dans l'estomac des lycaons affamés,
et dans le fémur de vos vieux sages, vos fémurs étriqués gnaquent éperdues les hyènes épileptiques,
mille millions de gisants sur une terre gercée d'aridité,
plateau faisandé servi le jour à la gueule brûlante du Soleil,
la nuit aux dents de métal jerricane des étoiles crues,
amas, rocs tranchants des regs en constant regain de chaleur,
Afrique, afrique, je t'empalude,
je pends tes griots aux baobabs et réinjecte de la vie dans tes cadavres
pour reprendre plus soigneusement ton massacre,
pour l'approfondir encore,
allonge- toi grande dodue fatiguée, vénus hottentote vérolée, présente moi tes entrailles
que j'y ptérodactyle à plein bec dans les crânes ouverts de tes fils
cervelles jeunes et exquises picorées jusqu'à la poussière des poussières,
et que les lacs ne libèrent, hyalins inacessibles, pas une goutte, pas une goutte de leurs larmes
pour humecter ton chagrin, et laisse la disette travailler à réhausser leur valeur.
Et si les lacs parlent ce ne sera que pour vous réduire tous au silence, lassés de vos gémissements.
Afrique, ma dague à scarifications n'est jamais repue de t'ouvrir, de te marquer, n'est jamais repue de ton sang
et de ta famine,
Marteaux, golems de glaise te martèlent en tous sens jusque l'apoplexie,
Allons debout, Afrique, debout ! Round dix de ton supplice !
Crève, craque, ploie, que te bâffrent les économiques enzymes ! Bas, bouées de tripes flottant en nuée
sur le fleuve de ton histoire de bouc émissaire qui paie les pots cassés par l'histoire du monde,
ton histoire qui est loin d'être finie, car l'addition est encore loin d'être réglée,
nous sommes encore très en deça du total, en deça ! Ô tomes époustouflants de ta douleur à rédiger des siècles
et des siècles,
et les Dieux seuls savent quels futurs dégâts nargueront ton agonie gériatrique et qui n'en pourra plus de cette éxécution interminable au cimetières des éléphants innocents !
Vanité que vous petits cénobites sauveteurs apitoyés de l'Eglise êtes venus répandre en ces pays exsangues,
votre Dieu n'est qu'une bonne femme aveugle, vos petits barrages de castors mystiques qui croient pouvoir retenir
les mégatonnnes de torrents sanguignolents que déverse la misère avec des poings creux et des missels
et des dispensaires dérisoires , petits cénobites retenez j'intime :
"Où gants, dars et mitrailleuses règnent en maîtres,
bure qui n'a, fat, sot, n'est plus bure et périt la bouche pleine de scorpions "
Ici Jésus termina mi-bique mi-lion à participer comme les autres au grand festin nécrophage
fol l'appétit des hippopotames, tant nézanies qu'avanies
et vous femelles rachitiques traînant sur les chemins sans buts dans vos boubous déchirés, le sein tari et les épaules pleines de marmots hagards :
que des tchadors d'épine vous enferment comme des vierges de fer !
et vous femelles moelleuses et rondes qui n'avez pas vue la faim vous encercler tandis que vous pilliez le manioc,
grosses alanguies nées pour multiplier le désastre,
grosses alanguies nées bis, tôt rient, haltes de volupté, vos vagins balafrés par la honte allez pondez, pondez
égorgez gorets publics, sang, trafic, haine,
monstrueux affres, hic du Sud effaré ,
Safari d'extinction, moignons bric à brac, heure où ne luisent plus aucuns sémaphores de liberté,
et jeeps aux roues en dalles d'acier écrasant des autoroutes d'yeux exorbités, de côtes d'ivoire en miettes,
et que les bottes soient naturelles au piétinement
pour que se perpétue (ni zyggourats ni mosquées n'y changeront rien)
la mécanique Céleste de tes menstrues de larves écoeurantes,
Ô reine et vierge Marie noire de l'Univers !
Ô reine et vierge Marie Noire de l'Univers, comble ton
appétit, hôpital honni gère l'apocalypse avec du miel sur les plaies béantes
Fais comme il te siéra léonine déesse : La Souffrance pour la souffrance ha !