Revanche-spectacle
Ding ! Ding ! Simultanément on sonne
le 1er round du combat
et le glas
de toutes les vieilles justifications
Le public sous la voûte sombre empaqueté
dans les gradins du Stade du Recouvrement de la Dignité
trépigne et tremble en attendant qu'enfin ça barde
le public qui n'est que la masse énorme et gueularde
de toutes les misères agglomérées du monde
ouvriers laotiens tordus, mineurs congolais barbouillés d'or,
loqueteux manouches bulgares , faminards d'Erythrée, souillons
de couturières guatémaltèques, paysans crevards de Corée du Nord
et les pauvres vieilles putes trans-genre de Thaïlande en Haillons
Sous les clameurs inquiètes et le projecteur ironique de l’Histoire
L’Homme Humilié monte sur le ring de son présent perpétuellement volé
avec dans les gants la rage de 30 siècles d'oppression et de vains sacrifices
(L'Arbitre est un Dieu pieuvre absent au sourire stellaire )
avant même le temps d'une parabole, les Christs de tous bords sont étalés
(eux et leur amour équivoque) en 12 crochets furieux qui les reclouent à leurs croix respectives
plus solidement que jamais, les premiers applaudissements timides se font entendre
on n'ose pas trop y croire mais la rumeur monte quand le gras et molasse Bouddha
recrache sa sérénité sous l'uppercut quand le perfide Allah s'affale avec les côtés cassées
envahissent alors pèle-mêle l'arène noire les éternelles, indécrottables figures ennemies
du politicien salace, de l'usurier gourmand, des sophistes vendus au plus offrant,
les vieilles ganaches militaires, l'institutrice castratrice, le grand sacrificateur aztèque,
l'empereur chinois et tous les ingénieurs lettrés aux salamalecs abjects
pleuvent alors pleuvent ouragantent les coups
qui graduellement tuméfient crèvent et dégonflent
ces gueules atroces, bientôt totalement concassées, explosées
par les mille directs éjaculatoires que débite sans faillir l'Homme Humilié
dont le courage fait miroiter les gants toujours plus sanguinolents
et c'est ensuite la Voie Lactée elle même qui termine knock-outée, vautrée
dans les cordes le torse ruisselant d'étoiles saignantes qui s'écroule et meurt
la grande masse des affamées se lève applaudit à tout rompre
tombent alors tombent tombent comme une neigeuse récompense
les fleurs les bouquets inouïs du public éperdu de reconnaissance
mais
déjà
le projecteur
s'éteint
déjà il faut évacuer les lieux
le Chapiteau s'affaisse
se vide comme une baignoire
et il n'y a plus hélas qu'à constater le plane vide au dehors
la Tristesse qui souffle en bourrasque sur les étendues nues, pierreuses
à 360°
ah combien tout est à recommencer !
Il faudra songer à déménager vers d'autres Galaxies
retrousser les manches de la Pensée
et la Colère, si seule, si pauvre et désarmée
reste pantoise devant l'énigme monumentale
" Comment organiser dignement ce chaos ? "