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10 février 2012 5 10 /02 /février /2012 15:19

achille chavee

 

 

 

Achille Chavée (1906-1969)

 

 

 

Je me De De

 

Je me vermine

Je me métaphysique

Je me termite

je m'albumine

Je me métamorphose

Je me métempsychose

Je me dilapide

Je n'en aurais jamais fini

Je me reprends 

Je me dévore

Je me sournoise

Je me cloaque

et m'analyse

Je me De De

Je m'altruise

Je deviens mon alter ego

Je me cache sous les couvertures

Je transpire l'angoisse

Je vais crever madame la marquise

 

 

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10 février 2012 5 10 /02 /février /2012 15:04

achille chavee

 

 

 

Achille Chavée (1906-1969)

 

 

 

Histoire Simple

 

Maintenant je suis un grand animal blessé

dans la jungle du temps

et je m'avance comme un tigre vers Dieu

en déniant son existence

 

Nul ne croit à ma démarche

Nul ne sait que je m'avance vers un gouffre

qui dépasse la croyance

que je m'avance vers moi même

 

Là bas une partie de poker continue

Là bas une femme enfante d'un monstre miroitant

et moi je m'avance vers moi même

à la découverte d'une preuve éblouissante

 

 

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25 janvier 2012 3 25 /01 /janvier /2012 15:54

jean_de_sponde-150x150.jpg

 

 

Jean de Sponde (1557-1595)

 


"Mais si faut-il mourir ! et la vie orgueilleuse..."

 

 

Mais si faut-il mourir ! et la vie orgueilleuse,
Qui brave de la mort, sentira ses fureurs ;
Les Soleils haleront ces journalieres fleurs,
Et le temps crevera ceste ampoule venteuse.

Ce beau flambeau qui lance une flamme fumeuse,
Sur le verd de la cire esteindra ses ardeurs ;
L'huile de ce Tableau ternira ses couleurs,
Et ses flots se rompront à la rive escumeuse.

J'ay veu ces clairs esclairs passer devant mes yeux,
Et le tonnerre encor qui gronde dans les Cieux.
Ou d'une ou d'autre part esclatera l'orage.

J'ay veu fondre la neige, et ces torrens tarir,
Ces lyons rugissans, je les ay veus sans rage.
Vivez, hommes, vivez, mais si faut-il mourir.

 

 

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25 janvier 2012 3 25 /01 /janvier /2012 15:49

 

Abbe_de_Lattaignant.jpg

 

 

Gabriel Charles, Abbé de l'Attaignant (1697-1779)

 

 

 

Adieux au monde

 

 

J'aurai bientôt quatre-vingts ans :
Je crois qu'à cet âge il est temps
De dédaigner la vie.
Aussi je la perds sans regret,
Et je fais gaîment mon paquet ;
Bonsoir la compagnie !

J'ai goûté de tous les plaisirs ;
J'ai perdu jusques aux désirs ;
A présent je m'ennuie.
Lorsque l'on n'est plus bon à rien,
On se retire, et l'on fait bien ;
Bonsoir la compagnie !

Lorsque d'ici je partirai,
Je ne sais pas trop où j'irai ;
Mais en Dieu je me fie :
Il ne peut me mener que bien ;
Aussi je n'appréhende rien :
Bonsoir la compagnie !

Dieu nous fit sans nous consulter
Rien ne saurait lui résister ;
Ma carrière est remplie.
À force de devenir vieux,
Peut-on se flatter d'être mieux ?
Bonsoir la compagnie !

Nul mortel n'est ressuscité,
Pour nous dire la vérité
Des biens d'une autre vie.
Une profonde obscurité
Est le sort de l'humanité ;
Bonsoir la compagnie !

Rien ne périt entièrement,
Et la mort n'est qu'un changement,
Dit la philosophie.
Que ce système est consolant !
Je chante, en adoptant ce plan ;
Bonsoir la compagnie !

Lorsque l'on prétend tout savoir,
Depuis le matin jusqu'au soir,
On lit, on étudie ;
On n'en devient pas plus savant ;
On n'en meurt pas moins ignorant ;
Bonsoir la compagnie !

 

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25 janvier 2012 3 25 /01 /janvier /2012 15:47

emile nelligan

 

 

Emile Nelligan (1879-1941)

 

 

Le boeuf spectral

 

 

Le grand boeuf roux aux cornes glauques
Hante là-bas la paix des champs,
Et va meuglant dans les couchants
Horriblement ses râles rauques.

Et tous ont tu leurs gais colloques
Sous l'orme au soir avec leurs chants.
Le grand boeuf roux aux cornes glauques
Hante là-bas la paix des champs.

Gare, gare aux desseins méchants!
Belles en blanc, vachers en loques,
Prenez à votre cou vos socques !
A travers prés, buissons tranchants,

Fuyez le boeuf aux cornes glauques.

 

 

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25 janvier 2012 3 25 /01 /janvier /2012 15:44

ernest d'hervilly

 

 

Ernest d'Hervilly (1839-1911)

 

 

A la Louisiane

 

 

Sous l'azur enflammé le vieux Mississipi
Fume. - Il est midi. - Les tortues
Dorment. Le caïman aux mâchoires pointues
Bâille, dans le sable accroupi.

Les cloches ont sonné le breakfast dans la plaine ;
Et l'on n'aperçoit plus, là-bas,
Dans les cannes à sucre et dans les verts tabacs,
Les nègres aux cheveux de laine.

Tandis que sur les champs où gisent les paniers
Des noirs étendus dans leurs cases,
Le soleil tombe droit et dessèche les vases
Nourricières des bananiers,

Chez Jefferson and Co, dont le coton, par balles,
Gorge Le Havre et Manchester,
On siffle le petit Africain Jupiter,
Un rejeton de cannibales !

Jupiter, négrillon vorace et somnolent,
Qui chérit l'éclat blanc du linge,
Un large éventail jaune entre ses doigts de singe,
S'avance d'un pas indolent.

Or, préférant, selon toutes les conjectures,
La cuisine à la véranda,
Il évente, rêveur, sa maîtresse Tilda,
En digérant des confitures.

Et, cependant qu'il suit de son gros oeil d'émail
Les zigzags sans fin d'une mouche,
L'ivoire de ses dents brille au bord de sa bouche,
Entre deux croissants de corail.

Un jour discret emplit la véranda tranquille,
Filtré par les feuillages verts ;
Les stores de rotin au hasard entr' ouverts
Laissent passer des fleurs par mille.

Nul bruit. - L'éventail bat l'air tiède et parfumé
Avec un soupir monotone ;
Un griffon de Cuba, muet, se pelotonne
Ou s'étire, ingrat trop aimé !

Deux splendides aras, de leur perchoir d'ébène
Lancent, assoupis, des clins d'yeux
Sur l'enfant noir, objet de leur secrète haine,
Et sur le Havanais soyeux.

Un macaque chéri, jeune mais blasé, grave
Comme au Sénat le Président,
Crève, plein d'insolence, et du bout de la dent,
La peau jaune d'une goyave.

Au-dehors les crapauds se taisent dans les joncs
Mystérieux des marécages.
Les moqueurs alanguis ont cessé dans leurs cages
De contrefaire les pigeons.

Miss Tilda Jefferson, une enfant paresseuse,
Paresseuse créolement,
Abandonne son corps au tangage charmant
Et doux de sa large berceuse ;

Elle est pâle, très pâle, avec des cheveux bruns,
Dans son peignoir de mousseline.
On voit à la blancheur de l'ongle à sa racine
Que son sang noble est pur d'emprunts.

Le balancin de canne où miss Tilda repose
Obéit à son poids léger ;
La chère créature au doux nom étranger
A l'oreille porte une rose.

Sa suivante Euphrasie, en madras jaune et bleu,
Aux grosses lèvres incarnates,
Rit, sans savoir pourquoi, dans un coin, sur les nattes,
Humant sa cigarette en feu.

Miss Tilda Jefferson fait la sieste ; elle rêve ;
Elle pense à son doux ami ;
Ses admirables yeux sont fermés à demi
Son nègre l'évente sans trêve.

L'oeil clos, miss Tilda suit Davis Brooks, son amant,
Sur les houles de l'Atlantique,
Tandis que Jupiter, harcelé d'un moustique,
La contemple piteusement.

Elle voit son Davis, tête hâlée et fière,
Sur le pont du schooner " The Fly ",
Qui fume, accoudé sur l'habitacle poli,
En casquette à longue visière ;

Le schooner roule et tangue, et ses mâts gracieux
Jettent leur ombre sur les lames,
Et l'ombre des huniers, des espars et des flammes...
Davis Brooks paraît soucieux.

Miss Jefferson sourit - (le fin navire lofe
Et s'éloigne), - ses doigts mignons
S'agitent faiblement, délicats compagnons
Du sein qui tremble sous l'étoffe.

Ainsi, sur l'Océan, où croise son amour,
La blanche miss Tilda s'égare,
A laquelle ce soir, en brûlant un cigare,
Trente planteurs feront leur cour.

Mais, hélas ! insensible à tant de poésie,
Jupiter pousse un cri plaintif,
Et dans son coin obscur, toujours sans nul motif,
Rit la mulâtresse Euphrasie.

Autour d'eux le chien blanc, les perroquets pourprés
Et le singe roux, tout sommeille ;
Le vent qui passe apporte, avec un bruit d'abeille,
L'odeur des ananas dorés.



 

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7 janvier 2012 6 07 /01 /janvier /2012 20:16

Pirotte03.jpg

 

 

Jean Claude Pirotte (1939-)

 

 

La Vallée de misère (extrait)

 

 

J'écris dans la cuisine

de ce logement triste

que j'occupe depuis

2 ans et demi presque

 

au bord du vieux canal

quelquefois je promène

ma solitude en laisse

et je vois dériver

sur un reflet de ciel

la barge des années

 

dans un pays voisin

des juges délirants

m'ont voué à l'exil

et depuis je traîne

sans le sou sans métier

ma belle oisiveté

 

on dit : c'est un brigand

méfiez-vous un bohème

je ne sors pas souvent

je mange quand je peux

et je surveille un peu

la cuisson de mes poèmes

 

 

 

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7 janvier 2012 6 07 /01 /janvier /2012 19:53

marie-gevers.gif

 

 

 

Marie Gevers (1883-1975)

 

 

Octobre

 

 

Les nuages  sont des quenouilles

les doigts du vent, légers et vifs,

y filent la pluie où se mouillent

nos chênes, nos hêtres, nos ifs.

 

La pluie est une grande trame

se tendant du ciel jusqu'en sol,

et , navettes couleurs de flamme,

les feuilles y lancent leur vol.

 

Ainsi, le voile de l'Automne

se tisse autour de la maison,

et soufflant en ses plis jaunes,

le souvenir des floraisons.

 

Et tandis que l'heure s'écoule

fil à fil, moment par moment,

sur le métier du Temps s'enroulent

nos jours d'octobre doucement.

 

 


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7 janvier 2012 6 07 /01 /janvier /2012 19:30

adrianmiatlev

 

 

Adrian Miatlev (1910-1964)

 

 

Dieu n'est pas avec ceux qui réussissent

Je commence à en avoir marre
Qu'on me parle de tous ces gens qui réussissent
Qui s'enrichissent, qui montent, qui montent
Qui prospèrent dans tous les domaines
J'en ai marre qu'on ait tant d'admiration
Pour les habiles, les têtes vides et les cœurs faux.
Et j'en ai marre surtout qu'on me les donne en exemple
Et me les assène comme d'une leçon.

A cinquante ans je suis jeune
Ce que voyant vous prenez de droit
De me traiter en gamin
Mais ce petit garçon en sait plus que vous
Mais cet idiot vous regarde avec pitié
Mais cet homme d'aplomb a du moins la pureté de vous épargner son mépris
Mais ce fou a des pudeurs que vous n'avez pas.
Honte à vous, adulateurs béats des riches
Honte à vous, applaudisseurs des tapageurs
Et je hais autant l'anarchiste étriqué qui s'offusque du mot Dieu
Et supprime la majuscule de ce mot
Que le vertueux crétin qui a peur de boire un bon coup
Parcequ'il veut vivre très vieux, n'est-ce-pas
et opprimer les autres longtemps.

Allez, traduisez-moi ça en patagon
Moldovaque ou même urdu
Puisque je parle en clair
Et que ce que je dis est trop net, trop nu
Trop simple et clair.

retournez à vos alphabets cochons
A vos morses dégueulasses
A vos chiffrages émasculés
A vos abstractions sublimées
A vos "langages "enfin.
Quant à moi je ne suis sûrement pas assez artiste
Pour me laisser séduire par l'envie
Ou l'esprit de compétition.

En vérité, j'aime l'ivrogne qui roule dans le fossé
Vous savez, ce superbe poivrot des champs
Je l'aurai assez dit: C'est un état comme un autre
Aussi digne et valeureux que celui de prêtre ou d'éditeur
Mais je crois qu'il vaut mieux être saoul.
Et quand j'ai le plaisir de rencontrer un vrai roi
Un pur grand homme, un salopard de race
Je retrouve mon coeur, ma vie abolie
La réalité criante de toute cette lumière
Qu'on aveugle, qu'on ravala au rang de contes
Et que si cruellement
On désapprit aux enfants même.

Quel succès! Quelle hygiène! Quelle réussite!
Mais je ris de vos réformes
Comme je me gausse de vos révoltes
De tout cet inessentiel
Dont vous vous réclamez, imbecillistes!

De ma mort (cette sorte d'allocation au céleste à mon espèce impressionnée)
De ma mort, je regarde votre vie
Et je me préfère où je suis.
Je suis en toute meilleure santé que vous.
De la fenêtre de ma mort
Je regarde l'obturation de votre vie
Comme la légende superbe contemple une piteuse vérité
Bouffée aux mythes (je dis bien)
Et moutonne deux fois (je dis bien).

Je deviens même philosophe
Et tissailleur de certaines théories
A force de sentir sourdre la vie.
Je sens la possible révolution
Sans arrachement, sans pollution
Sans désordres, sans éducations
Sans décrets, sans constitutions!

Mais voilà: elle vous passe et vous trépasse sous le nez
A cause de l'avidité et de l'accaparement
Et de l'adoration des principes !
Aussi je murmure sur le chapelet de tous mes os
Et le bréviaire de tout mon être
Et les cailloux de toutes mes déroutes
Et les clous vains de tous mes exorcismes:

 
Dieu, il n'est pas avec ceux qui réussissent!

 

 

 


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7 janvier 2012 6 07 /01 /janvier /2012 19:21

 

achille chavee  

 

 

Achille Chavée (1906-1969)

 

 

Evidence

 

 

Soudain cela vous saute aux yeux

 

que tout est vain

 

que tout ne fut et ne sera que mascarade

 

que rien n'est à recommencer

 

que tout serment s'oublie

 

que tout baiser se nie

 

que tout désir entre en son agonie

 

que son propre cadavre à l'image de Dieu

 

dérive dans les eaux d'un fleuve sinueux

 

dont nul n'a jamais remonté le cours

 

et dont nul en mourant ne connait le delta.

 

 

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Racbouni

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