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7 décembre 2011 3 07 /12 /décembre /2011 18:28

maurice-blanchard-ecrivant.jpg

 

Maurice Blanchard (1890-1960)

 

Poissons d'or

 

Las de regarder les esclaves, je me suis enfui vers les mers chaudes. J'avais erré dans la montagne, et puis dansé autour des feux de la saint Jean, et voici qu'une porte d'Azur s'ouvrait devant moi,telle qu'elle a jailli du volcan primordial, telle que la virent les Titans, telle que la force des choses l'a voulue, audacieusement voulue, audacieusement tracée, et j'ai franchi cette porte, les yeux baissés et le doigt sur la bouche, comme il  convient d'honorer la grandeur.

Deux mondes si différents séparés par le tranchant d'une lame !

Je quittais le pays des crapauds pour la lumière et la purification. Enfin un ciel propre, enfin un sable blanc et non point de la blancheur des ossements, enfin la mer, la mer et ses joyaux aux couleurs changeantes.

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7 décembre 2011 3 07 /12 /décembre /2011 18:23
Béatrice Libert (1952- )
Déconvenue
Elle espérait s'arrêter sur le seuil.
Il n'y avait pas de seuil.
Elle espérait frapper à la porte.
Il n'y avait pas de porte.
Alors elle voulut rebrousser chemin,
mais il avait disparu.
(Le Rameur sans rivage)
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5 novembre 2011 6 05 /11 /novembre /2011 15:03

 

Emile_Goudeau.gif

 

 

Émile GOUDEAU   (1849-1906)

 

 

La ronde du remords

 

 

Je sortais d'une orgie âcre et stupéfiante
Où ma raison avait brûlé comme un sarment ;
Plus lourde que le plomb, l'atmosphère ambiante
Faisait craquer mes os tordus d'accablement.
La fièvre secouait les cloisons de ma tempe,
Et dans le cercle blanc et rouge de la lampe
L'horreur des visions tournait cruellement.

Des parfums féminins se mêlaient dans la chambre
A l'arôme troublant des cigares fumés :
Vagues parfums d'iris, d'ylang-ylang et d'ambre,
Et de grains de sérail autrefois consumés.
Mon oreille tintait aux souvenirs d'orgie,
Et le marteau d'acier de la céphalalgie
Poussait dans mon cerveau des rêves innomés.

Ma chair était meurtrie, et mon âme si lasse,
Et par le spleen mon coeur tellement angoissé,
Que je tombai dans un fauteuil, près de la glace,
Pour me revoir comme un ami trop délaissé.
Et je me regardais de la sorte, moi-même.
La glace m'envoya mon image si blême,
Qu'on aurait dit un spectre affreux de trépassé.

Tout à coup, une voix terrible, intérieure,
Fit retentir mes nerfs, et, sortant malgré moi
De ma bouche fermée, elle emplit ma demeure
D'un cri lugubre, et j'eus peur sans savoir pourquoi.
La voix disait avec un rire métallique :
" Voici tes gueux ! voici tes morts ! voici ta clique ! "
" Maudit ! vois tes remords qui passent devant toi ! "

Dans la glace ils marchaient, les uns après les autres,
Tous les actes mauvais et louches, le front bas,
Mâchonnant dans leurs dents d'obscènes patenôtres ;
Et leur procession avançait pas à pas.
Derrière eux, les secrets calculs, les vilenies
Que tu fuis, ô mon coeur, et qu'en vain tu renies,
Comme des nains bossus agitaient de grands bras.

D'autres, parmi le bruit et parmi les huées,
Ivres, et revêtus d'habits de croque-morts,
Portaient des cercueils pleins d'illusions tuées
Dont je ne reverrai les âmes ni les corps.
Que de rêves défunts d'héroïsme ou de gloire,
Quels cadavres d'amours souillés de fange noire
Ont roulé sous les pieds des spectres du Remords !

Puis tous les nains bossus et tous les gueux immondes,
Avec la joie atroce et funèbre du Mal,
Autour de ces débris commencèrent des rondes
Que guidait invisible un orchestre infernal.
Et dans le tourbillon je ne sais qui m'entraîne
Hurrah ! c'est la Saint-Guy, la tarentelle obscène,
Et je danse avec eux le ballet bacchanal.

Sombre nuit, où je vis tant de hontes recluses
Sortir du passé pour m'offrir leur nudité ;
Où le torrent jeta par-dessus ses écluses
La fange de mon coeur et son iniquité...
Hélas ! quand le soleil, cognant à ma fenêtre,
M'éveilla, je compris que, la veille peut-être,
Le fleuve où j'avais bu n'était pas le Léthé

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12 octobre 2011 3 12 /10 /octobre /2011 15:49

 

Alexandre Toursky (1917-1970)

 

 

 

Je ne réclame rien

 

 

Je ne réclame rien

que vivre encore assez

pour un soir être digne

de simplement finir.

 

D'avouer sans paroles

que je méritais bien

cette amoureuse écume

dont je mordais le sel.

 

J'ai tant bu que j'ai soif;

j'ai tant ri que je pleure;

tant dit que m'interroge

le désir d'écouter.

 

 

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6 octobre 2011 4 06 /10 /octobre /2011 09:34

 

Angele-Vannier.jpg

 

 

Angèle Vannier (1917-1980)

 

 

J'adhère (1961)

 

 

J'adhère au chant du berger solitaire qui use du bois de son

propre coeur pour alimenter le feu du créateur

 

J'adhère au voyou à l'oeil louche qui jette son mégot contre

une meule de paille pour griller l'antre du métayer

 

J'adhère à la jeune fille qui se noie dans les eaux inférieures

pour un simple chagrin d'amour

 

J'adhère à la chute des eaux supérieures qui lavent notre crasse

et fait des vierges avec des putains épuisées

 

J'adhère aux crucifiés de tous les siècles pour cause de guerre

de religion

 

J'adhère aux filles de joie qui se promènent dans les chansons

à boire assassinées par les rouliers dans les soupentes

 

J'adhère au feu à l'eau au sang quelles que soient leurs sources

et leurs embouchures

 

J'adhère à l'élément trouvé pour faire la soudure dans les mines

de la nature.

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27 septembre 2011 2 27 /09 /septembre /2011 21:43

adrianmiatlev.png

 

 

Adrian Miatlev (1910-1965)

 

 

Ravages Délicats

 

 

Le citadin est imbu de sa supériorité

et le paysan est persuadé de sa supériorité.

Le bourreau est tout sacré de sa superiorité

et la victime est toute sainte de sa superiorité.

L'homme fourbe est tout savant de sa superiorité

et l'invidivu vertueux se rengorge de sa superiorité.

L'artiste est convaincu de sa superiorité

et le boutiquier se félicite de sa superiorité.

L'ouvrier se barricade de superiorité

l'intellectuel s'électrise de superiorité.

 

Et tous, de cette façon

Dans une fraternité surprenante

celle qu'on chercherait en vain

à réaliser par des moyens pacifiques

pilent, pillent, dépècent, écorchent

et convoient à sa fin malheureuse

ce monde humain.

 

Et tous de cette façon

avec un ensemble touchant

rendent impossible

et toujours plus impossible

toujours plus divisé, plus morcelé,

inégalisé et comme concassé

ce monde humain.

 

 

Le poète, toujours doublé d'un haïsseur

médisant de tous sauf de lui même

ou de ce qu'il pense aimer

n'est pas d'une essence plus pure

ni plus amène.

Je ne sais s'il vaut mieux quand il déclare

qu'il est

délibérément,

définitivement inhumain.

 

Car ce n'est là qu'une superiorité comme une autre

très loin de la véritable superiorité

indicible mérite qui ne s'encense pas.

 

 

(Quand le dormeur s'éveille, 1695).

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27 septembre 2011 2 27 /09 /septembre /2011 21:34

 

chambelland.jpg

 

 

Guy Chambelland (1927-1996)

 

 

La Femme Infidèle 

 

 

La femme infidèle

On la jette dehors un soir

mais elle revient dans les rêves

elle se tient debout dans l'ombre de l'entrée

elle pleure

les épaules nues comme dans l'amour

Que lui dire que faire

on comprend qu'on s'aimait peut être

qu'on a eu tort

qu'il est vain de se pardonner

et que l'oubli n'est pas possible

on sait surtout qu'il est très tard.

Non. Rien à dire ni rien à faire.

Bonjour bonsoir

La vie nous roule parallèles comme les fenêtres

chacun n'a plus de l'autre que sa mort à rêver.

 

 

 

 

 

(tiré du recueil "l'Oeil du Cyclone", 1963)

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27 septembre 2011 2 27 /09 /septembre /2011 21:17

apollinaire.jpg

 

 

Guillaume Appolinaire (1880-1918)

 

 

 

Poème inédit

 

 

 

J'ai rêvé que j'allais à mon enterrement

 

tu n'étais pas venue et j'entendais ton rire

 

mais ta bouche était là ses suçons de vampire

 

cerceaux rouges roulaient sous mon regard dément

 

et je mourrais encore en entendant ton rire

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29 juillet 2011 5 29 /07 /juillet /2011 19:27

 

tristan-corbiere.jpg

 

 

Tristan Corbière (1845-1875)

 

 

Paria

 

 

Qu'ils se payent des républiques,
Hommes libres ! - carcan au cou -
Qu'ils peuplent leurs nids domestiques !...
- Moi je suis le maigre coucou.

- Moi, - coeur eunuque, dératé
De ce qui mouille et ce qui vibre...
Que me chante leur Liberté,
A moi ? toujours seul. Toujours libre.

Ma Patrie... elle est par le monde ;
Et, puisque la planète est ronde,
Je ne crains pas d'en voir le bout...
Ma patrie est où je la plante :
Terre ou mer, elle est sous la plante
De mes pieds - quand je suis debout.

- Quand je suis couché : ma patrie
C'est la couche seule et meurtrie
Où je vais forcer dans mes bras
ma moitié, comme moi sans âme ;
Et ma moitié : c'est une femme...
Une femme que je n'ai pas.

- L'idéal à moi : c'est un songe
Creux ; mon horizon - l'imprévu -
Et le mal du pays me ronge...
Du pays que je n'ai pas vu.

Que les moutons suivent leur route,
De Carcassonne à Tombouctou...
- Moi, ma route me suit. Sans doute
Elle me suivra n'importe où.

Mon pavillon sur moi frissonne,
Il a le ciel pour couronne :
C'est la brise dans mes cheveux...
Et, dans n'importe quelle langue ;
Je puis subir une harangue ;
Je puis me taire si je veux.

Ma pensée est un souffle aride :
C'est l'air. L'air est à moi partout.
Et ma parole est l'écho vide
Qui ne dit rien - et c'est tout.

Mon passé : c'est ce que j'oublie.
La seule chose qui me lie
C'est ma main dans mon autre main.
Mon souvenir - Rien - C'est ma trace.
Mon présent, c'est tout ce qui passe
Mon avenir - Demain... demain

Je ne connais pas mon semblable ;
Moi, je suis ce que je me fais.
- Le Moi humain est haïssable...
- Je ne m'aime ni ne me hais.

- Allons ! la vie est une fille
Qui m'a pris à son bon plaisir...
Le miens, c'est : la mettre en guenille,
La prostituer sans désir.

- Des dieux ?... - Par hasard j'ai pu naître ;
Peut-être en est-il - par hasard...
Ceux-là, s'ils veulent me connaître,
me trouveront bien quelque part.

- Où que je meure : ma patrie
S'ouvrira bien, sans qu'on l'en prie,
Assez grande pour mon linceul...
Un linceul encor : pour que faire ?...
Puisque ma patrie est en terre
Mon os ira bien là tout seul...

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29 juillet 2011 5 29 /07 /juillet /2011 19:21

mac_nab.jpg

 

Maurice Mac Nab (1856-1889)

 

 

Les Foetus

 

 

On en voit de petits, de grands,
De semblables, de différents,
Au fond des bocaux transparents.

Les uns ont des figures douces ;
Venus au monde sans secousses,
Sur leur ventre ils joignent les pouces.

D'autres lèvent les yeux en l'air
Avec un regard assez fier
Pour des gens qui n'y voient pas clair !

D'autres enfin, fendus en tierce,
Semblent craindre qu'on ne renverse
L'océan d'alcool qui les berce.

Mais, que leur bouche ait un rictus,
Que leurs bras soient droits ou tordus,
Comme ils sont mignons, ces foetus,

Quand leur frêle corps se balance
Dans une douce somnolence,
Avec un petit air régence !

On remarque aussi que leurs nez,
A l'intempérance adonnés,
Sont quelquefois enluminés :

Privés d'amour, privés de gloire,
Les foetus sont comme Grégoire,
Et passent tout leur temps à boire.

Quand on porte un toast amical,
Chacun frappe sur son bocal,
Et ça fait un bruit musical !

En contemplant leur face inerte,
Un jour j'ai fait la découverte
Qu'ils avaient la bouche entrouverte :

Foetus de gueux, foetus de roi,
Tous sont soumis à cette loi
Et bâillent sans savoir pourquoi !...

Gentils foetus, ah ! que vous êtes
Heureux d'avoir rangé vos têtes
Loin de nos humaines tempêtes !

Heureux, sans vice ni vertu ;
D'indifférence revêtu,
Votre coeur n'a jamais battu.

Et vous seuls, vous savez, peut-être,
Si c'est le suprême bien-être
Que d'être mort avant de naître !

Foetus, au fond de vos bocaux,
Dans les cabinets médicaux,
Nagez toujours entre deux eaux,

Démontrant que tout corps solide
Plongé dans l'élément humide
Déplace son poids de liquide.

C'est ainsi que, tranquillement,
Sans changer de gouvernement,
Vous attendez le jugement !...

Et s'il faut, comme je suppose,
Une morale à cette glose,
Je vais ajouter une chose :

C'est qu'en dépit des prospectus
De tous nos savants, les foetus
Ne sont pas des gens mal f...

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Racbouni

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