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8 juillet 2011 5 08 /07 /juillet /2011 13:18

 

frank-venaille.jpg

 

 

Franck Venaille (1936- )

 

 

 

Le point de non retour

 

 

Tu m'as aimé- comment le pouvait -on- tu m'as

aimé de tous tes ongles de tout ton âge de femme de

toutes tes années sérieuses et pauvres de chacune

de tes nuits solitaires ton large corps dans les draps de ma mélancolie

de mon angoisse de ma tristesse contagieuse tu m'as aimé comme jamais

comme la vie donne la vie et les doigts se dénouent  et mes haines s'effondrent

combien de fois ai-je égrené le chapelet de tes seins 

balbutié la pirère folle de ton prénom cru même aux miracles

Mais je n'étais pas la vie tu as dormi rêvé avec son contraire

tu t'es blottie pas même dans la mort mais dans la dérision

le phantasme contre le triste et doux attendrissement sur soi même

et tu n'as eu que le squelette vorace de la mort

qu'un malade qui attend tout de ses rechutes

c'est cela : à toute ta santé toujours j'ai préféré le vaccin de l'angoisse

l'herbe du désespoir.

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1 juillet 2011 5 01 /07 /juillet /2011 15:22

 

biga.jpg

 

 

Daniel Biga (1940- ???)

 

 

 

Homme né en 1940

 

 

- C'était la guerre on a toujours eu peur de tout dans la famille

où j'ai grandi

en sabots raison de mes pieds plats

 

Je mangeais des topinambours de la polenta et des figues sèches

mon père n'était pas grec mais electricien

avec un nom du Piémont j'ai aussi le sang

d'un berger des Pouilles et d'une princesse monténégresque

la tignasse

du corsaire maure qui séduisit une Catarina Segurana

d'il y a bien longtemps

Nous avons des héros morts et des couards aussi

la gloire nous a salué en plusieurs langues

parfois dans les deux camps nel stesso tempo

de César Martel Giuseppe Clémenceau à Bidon V

héraldiquement riches troupiers purs aryens sans doute mélangés de juif

comme tout le monde exactement

Nous fûmes parfaitement inconnus et inutiles à travers

les siècles des siècles

il n'y a merci Pépé aucune raison pour que cela change

 

Le café est il ciré le whisky dans les vécés les enfants au frigo

dans une certaine aisance voyez vous doublée

de pauvreté

c'est fait à l'étroit comme dans un cercueil

du 90 de large pour deux ça ne suffit pas

me voilà marié

aussi bêtement que mes ancêtres et pour que

leurs leçons profitent

nous durerons

sans grande convenance sans grand amour

par simple simplicité et pour arranger les choses

c'est fait tout va pour le mieux

je n'en dors plus

je me branle en pensant à d'autres filles

et aux destins hors du commun

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20 juin 2011 1 20 /06 /juin /2011 15:15

 

86px-Germain_Nouveau.jpg

 

Germain Nouveau (1851-1920)

 

Musulmanes

 

Vous cachez vos cheveux, la  toison impudique,

vous cachez vos sourcils, ces moustaches des yeux,

et vous cachez vos yeux, ces globes soucieux,

miroirs plein d'ombres où reste une image sadique;

 

l'oreille ourlée ainsi qu'un gouffre, la mimique

des lèvres, leur blessure écarlate, les creux

de la joue, et la langue au bout rose et joyeux,

vous les cachez et vous cachez le nez unique !

 

votre voile vous garde ainsi qu'une maison

et la maison vous garde ainsi qu'une prison;

je vous comprends ; l'Amour aime une immense scène.

 

Frère, n'est ce pas là la femme que tu veux :

complètement pudique, absolument obscène,

des racines des pieds aux pointes de cheveux ?

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13 mai 2011 5 13 /05 /mai /2011 15:10

jacoboto

 

Max Jacob (1876-1944)

 

 

Connaissez vous Maître Eckart ?

 

 

Connaissez vous le grand Albert ?

Joachim ? Amaury de Bène ?

à Thöss, Margareta Ebner

de Christ enceinte en chair humaine ?

 

Connaissez vous Henri Suso ?

Ruysbrock surnommé l'Admirable ?

et Joseph de Cupertino

qui volait comme un dirigeable ?

 

Et les sermons de Jean Tauler ?

et le jeune homme des Sept Nonnes

qu'on soigna comme une amazone

débarquant des Ciels-univers ?

 

Connaissez vous Jacob Boehm

et la signatura rerum?

Et Paracelse l'archidoxe,

le précurseur des rayons X ?

 

On connaît bien peu ceux qu'on aime

mais je les comprend assez bien

étant tous ces gens là moi même

qui ne suis pourtant qu'un babouin.

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15 avril 2011 5 15 /04 /avril /2011 12:58

claude-roy.jpg

 

Claude Roy (1915-1997)

 

 

 

Limerick des gens excessivement polis

 

 

Excusez moi je vous prie

disait le monsieur très Poli

tout ourlé de bonnes manières

quand il croisait un dromadaire

 

Je suis charmé vraiment ravi

disait le Monsieur si Gentil

en rencontrant rue de Lisbonne

un pangolin avec sa bonne

 

Je vous présente mes respects

disait le Monsieur Circonspect

en dépassant dans l'escalier

un "i" sans point très essouflé

 

Veuillez agréer mes hommages

disait le Monsieur tout en nage

en arrivant très en retard

au bal masqué des nénuphars

 

Après vous je n'en ferai rien

dira le Monsieur Vraiment Bien

lorsque la Mort sonnant chez lui

le trouvera toujours poli

 

 

 

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6 avril 2011 3 06 /04 /avril /2011 23:29

 emile-nelligan.jpg

 

Emile Nelligan (1879-1941)

 

 

 

Rondel à ma pipe

 

 

Les pieds sur les chenets de fer
Devant un bock, ma bonne pipe,
Selon notre amical principe
Rêvons à deux, ce soir d'hiver.

Puisque le ciel me prend en grippe
(N'ai-je pourtant assez souffert ?)
Les pieds sur les chenets de fer
Devant un bock, rêvons, ma pipe.

Preste, la mort que j'anticipe
Va me tirer de cet enfer
Pour celui du vieux Lucifer ;
Soit ! nous fumerons chez ce type,

Les pieds sur les chenets de fer

 

 

 

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1 avril 2011 5 01 /04 /avril /2011 12:17

 

Theo Léger (1912- 1982)

 

 

 

Perdu dans la Montagne un soir de novembre

 

 

Amples demeures des morts. La sourde. L'endormie.

 

J'entends se déchirer la caresse des branches

contre sa pierre énorme

j'entens la violente larme des torrents.

 

Je rôde sur une rive de fumée.

J'éveille une barque l'eau neutre les roseaux.

Je trouble à peine leur silence.

Je passe et ne laisse aucune ombre.

 

Chemin perdu, j'appelle. A peine un écho me répond

un vent d'hiver.

Où sont les anciens voyageurs ? Où sont mes camarades mes frères ?

Où sont ils ?

 

Soupir innombrable des pins contre une pente obscure.

 

 

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1 avril 2011 5 01 /04 /avril /2011 12:02

 

jose-maria_de_heredia1.jpg

 

 

José Maria de Heredia (1842-1905)

 

 

Le Samouraï


 

D'un doigt distrait frôlant la sonore bîva,
A travers les bambous tressés en fine latte,
Elle a vu, par la plage éblouissante et plate,
S'avancer le vainqueur que son amour rêva.

C'est lui. Sabres au flanc, l'éventail haut, il va.
La cordelière rouge et le gland écarlate
Coupent l'armure sombre, et, sur l'épaule, éclate
Le blason de Hizen ou de Tokugawa.

Ce beau guerrier vêtu de lames et de plaques,
Sous le bronze, la soie et les brillantes laques,
Semble un crustacé noir, gigantesque et vermeil.

Il l'a vue. Il sourit dans la barbe du masque,
Et son pas plus hâtif fait reluire au soleil
Les deux antennes d'or qui tremblent à son casque.

 

 

 

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22 mars 2011 2 22 /03 /mars /2011 18:44

 

andromede-gustave-dore.jpg

 

 

André Pierre de Mandiargues (1909-1991)

 

 

Une Station

 

 

Tu es liée sur un ilôt au milieu de la mer

Un lépreux te nourrit de ses mains pourries

A tes côtés un ours et un cerf sont liés

Tu es liée entre le cerf et l'ours

Et l'ours et le cerf t'ont dit pour te consoler

Que ce n'est là qu'une station

 

 

 

 

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12 mars 2011 6 12 /03 /mars /2011 23:35

 

  simone weil

 

Simone Weil (1909-1943)

 

 

 

Ce qui est sacré dans l'Homme (écrits de Londres)

 

 

"Ce qui est sacré dans l'homme, c'est l'aptitude à l'impersonnel, la faculté de passage à l'impersonnel.

 Toutes les fois qu'il y a atteinte à la personne d'un homme, il y a danger que par contrecoup ce qui en lui est impersonnel ne soit blessé. C 'est ce contrecoup qu'il faut éviter. L'aptitude à l'impersonnel peut aussi être blessée sans aucune atteinte à la personne. Ex : propagande. C'est là du mal.

 

C'est le collectif qui étouffe cette aptitude. Il n'y a pas à persuader la collectivté (qui n'existe pas) qu'elle doit respecter la personne. Il faut persuader la personne qu'elle ne doit pas se noyer dans le collectif, mais laisser mûrir en elle même l'impersonnel.

 

Cette maturation exige du silence, de l'espace. Mais aussi de la chaleur, car le froid de la détresse contraint à se jeter tête baissée dans le collectif. Il faut donc une vie collective qui, tout en entourant chaque être humain de chaleur, laisse autour de lui de l'espace et du silence. La vie moderne est le contraire. Ex : usine.

 

Insister sur la chaleur.  Collectif non susceptible de passer dans l'impersonnel. (Un groupe ne fait même pas une addition) Mais peut recevoir la marque de l'impersonnel.

 

Répandre sur la vie collective elle même une couleur de vie impersonnelle, c'est à dire de beauté.

 

Non la fausse imitation de beauté obtenue par les Etats totalitaires par l'impression de puissance, de force, de dynamisme. Mais une beauté stable, en repos, à couleur d'éternité.  C'est là la fonction spéciale de la religion (expliquer comment). Le christianisme a rempli cette fonction jusqu'au début du XIIIème siècle. L'éclat du XIIIème siècle est une survivance de la période antérieure.

 

En établissant l'inquisition, le christianisme s'est condamné à n'être plus qu'un parti qui, comme tous les autres partis, n'a que le choix entre devenir seul un régime totalitaire ou n'être qu'un pion dans le jeu de luttes des partis. L'inquisition a disparu, mais l'effet est demeuré, et cela également dans les Eglises dissidentes.

 

Il demeurera tant qu'une régénération intérieure n'aura pas pas évanouir la notion d'orthodoxie. Le Christ n'a pas dit : "Je suis l'orthodoxie". Il a dit : "Je suis la vérité".

 

Si cette régénération avait lieu, le christianisme pourrait accomplir son unique mission sociale, qui consiste à être , dans les pays de race blanche, l'inspiration centrale de tous les actes de la vie collective sans aucune exception. Comment un être humain parvient il à imposer au collectif la marque de l'impersonnel ?"

 

 

 

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