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9 mars 2011 3 09 /03 /mars /2011 00:17

 

andré pieyre de mandiargues

 

André Pierre de Mandiargues (1909-1991)

 

 

L'abaissement national

 

 

"Tout ce qui est national est nôtre" disait l'idiot du village, héritier de quarante notaires

qui en mille ans firent un pays de gros sous et de sacs.

Mais je rêvais d'un journal nouveau que des hordes de crieurs, à certaines dates entomologiques

ainsi que pour la métamorphose des lucanes ou celle des grands paons de nuit, iraient partout répandre.

Et dans les champs, les prés, les bois, à la sortie des théâtres, devant les cafés du boulevard, on entendrait :

"L'Abaissement National"... "Citoyens, demandez l'Abaissement National"...Citoyennes l'abaissement" 

Car il est bien que les peuples qui ont vieilli apprennent à ramper.

 

 

 

 

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4 mars 2011 5 04 /03 /mars /2011 12:01

andre-pieyre-de-mandiargues.jpg

 

André Pierre de Mandiargues (1909-1991)

 

 

 

Le corps du poème

 

 

(...) La fleur s’ouvre au soleil et, quoique dans la même espèce le nombre de pétales parfois varie, il n’y a jamais rien à lui ajouter ou à lui retrancher pour lui donner la perfection. Le lézard, le serpent, le cristal, le galet, le filet d’eau qui coule de la roche sont de si éclatantes réussites que rien ne les pourrait améliorer. Ainsi doit être le poème (quand on considère qu’il est sorti de la période de travail, et que l’on a décidé de la montrer et possiblement de le publier). Il doit se présenter comme un poisson dans l’eau, comme un jeune oiseau ravissant. Ce ravissement que nous sommes en droit d’exiger de lui, il peut nous le procurer par sa figure étrange ou par sa simplicité, par un éclat baroque ou par une beauté brute, par une sorte de dénuement dépoli même. N’importe comment. Tout cela est dans la nature et tout cela peut être merveilleux. Mais le poétique et le merveilleux sont inséparables de cette fraîcheur qui fut appelée « édénique », et dont l’univers est prodigue avec une généreuse innocence. (...)

 

 

André Pieyre de Mandiargues, Deuxième Belvédère, Grasset, 1990 (1962), p. 90-91.

 

 

 

 

 

 

 

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4 mars 2011 5 04 /03 /mars /2011 11:51

mansour joyce

 

Joyce Mansour (1928-1986)

 

 

Quel Phallus

 

 

Quel phallus sonnera le glas
Le jour où je dormirai sous un couvercle de plomb
Fondue dans ma peur
Comme l’olive dans le bocal
Il fera froid métallique et laid
Je ne ferai plus l’amour dans une baignoire émaillée
Je ne ferai plus l’amour entre parenthèses
Ni entre les lèvres javanaises d’un gazon de printemps
J’exsuderai la mort comme une moiteur amoureuse
Cernée assaillie par des visions d’octobre
Je me blottirai dans la boue

 

 

 

 

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4 mars 2011 5 04 /03 /mars /2011 00:05

LOUIS-VEUILLOT.jpg

 

Louis Veuillot (1813-1883)

 

 

Poids de la Vie

 

 

J'ai vécu, j'ai vieilli. De l'humaine misère
J'ai porté le fardeau tous les jours. Il est grand !
Sans en excepter un, j'ai refait en pleurant
Tous les chemins heureux que j'avais sur la terre.

Je sais ce qu'ici-bas le ciel donne et reprend :
Deuil d'ami, deuil d'époux, deuil de fils, deuil de père,
Et deuil public encor ! J'ai bu cette heure amère.
J'ai tenu dans mes bras Valdegamas mourant.

J'ai vu l'esprit de l'homme au mal vouer son culte ;
Sur mon drapeau sacré j'ai vu monter l'insulte ;
Chez des amis vivants je me suis vu mourir.

Et parmi ces douleurs, humiliant mon âme,
Satan m'a fait sentir son ironie infâme ... !
Ô mort ! comme parfois tu tardes à venir !

 

 

 

 

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2 mars 2011 3 02 /03 /mars /2011 19:55

 

Jean Meschinot (1420-1491)

 

 

 

Ceux qui dussent parler

 

 

Ceux qui dussent parler sont muts :
Les loyaux sont pour sots tenus ;
        Je n’en vois nuls
Qui de bonté tiennent plus compte,
Vertus vont jus, péchés haut montent
        Ce vous est honte.
Seigneurs grands, moyens et menus.
 
Flatteurs sont grands gens devenus
Et à hauts états parvenus,
        Entretenus.
Tant qu’il n’est rien qui les surmontent.
Ceux qui dussent parler sont muts.
 
Nous naquîmes pauvres et nus.
Les biens nous sont de Dieu venus,
        Nos cas connus.
Lui sont pour vrai, je vous le conte ;
Pape, empereur, roi, duc ou comte
        Tout se mécompte
Quand les bons ne sont soutenus,
Ceux qui dussent parler sont muts.

 

 

 

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28 février 2011 1 28 /02 /février /2011 18:52

 

anna_de_noailles.jpg

 

 

Anna de Noailles (1876-1933)

 

 

 

Voix intérieure

   

 

Mon ami, quels ennuis vous donnent de l'humeur ?
Le vivre vous chagrine et le mourir vous fâche.
Pourtant, vous n'aurez point au monde d'autre tâche
Que d'être objet qui vit, qui jouit et qui meurt.

 

Mon âme, aimez la vie, auguste, âpre ou facile,
Aimez tout le labeur et tout l'effort humains,
Que la vérité soit, vivace entre vos mains,
Une lampe toujours par vos soins pleine d'huile.

 

Aimez l'oiseau, la fleur, l'odeur de la forêt,
Le gai bourdonnement de la cité qui chante,
Le plaisir de n'avoir pas de haine méchante,
Pas de malicieux et ténébreux secret,

 

Aimez la mort aussi, votre bonne patronne,
Par qui votre désir de toutes choses croît,
Et, comme un beau jardin qui s'éveille du froid,
Remonte dans l'azur, reverdit et fleuronne ;

 

- L'hospitalière mort aux genoux reposants
Dans la douceur desquels notre néant se pâme,
Et qui vous bercera d'un geste, ma chère âme,
Inconcevablement éternel et plaisant...

 

 

 

 

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24 février 2011 4 24 /02 /février /2011 15:22

 

pierre-reverdy.jpg

 

Pierre Reverdy (1889-1960)

 

 

 

Dans ce Désert (Bois vert, 1949)

 

 

Ce regard

qui m'a laissé son dard dans le flanc

ce dard qui n'en sort pas

cette tête inspirée qui tient tout l'horizon

le plat bord de la nuit

qui me sert de bâillon

et la soif de bonheur qui me donnait la fièvre

 

Dans ce désert

 

Enfin rien ne sort

rien ne vient

dans la réalité trop sombre

où le soleil déplie son papier de couleur

toujours neuf

on ignore le jeu et la partie se gagne

sur le trapèze d'os où le singe s'endort

encore un cran dans la montée sévère

 

et décidement rien ne sort

de ton coeur démonté où la rumeur s'apaise

rien ne tient à la loi des mots

A la liste des morts au sommeil sans encombre

Arbres couverts de sel

de fruits cueillis dans les ruelles

têtes charnues plissées de rire plein d'abeilles

rien ne tient au fond

ni à la forme

 

l'esprit monte à la corde sans efforts

comme le soleil dans les ombres

puis je tâche de vivre à mon moindre ressort

je tâte la nuit qui approche

comme la mer repue

qui regagne ses bords

ma nuit sans horizon où la lune s'accroche

rien ne répond à mon appel muet

rien ne s'oppose à ce geste durci

qui fauche ma moisson

 

allons il fait plus chaud

plus noir dans la maison

mon coeur a dévidé sa laine

plus de feu dans le coin

plus d'amour plus de haine

bateau perdu sans mât

sans orientation

tête tranchée

poitrine sans passion

houle du monde nu

fermé

cercle de ma prison

amour sec

et la mort à secret

sur la fenêtre bleue

qui m'attend au balcon

veilleuse au cadre noir

à l'angle des saisons

ma part de faim

de soif

mains vides

sang perdu

 

Dans ce désert

 

 

 

 

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22 février 2011 2 22 /02 /février /2011 14:04

ernest-d-hervilly.jpg

 

 

Ernest d'Hervilly (1839-1911)

 

 

Le Zèbre

 

 

Le zèbre pétulant aux ruades bizarres

me fait l'effet d'un âne ôté vivant d'un grill

quand le fer l'eût marqué d'ineffaçables barres

et qui se souviendrait de ce cuisant péril.

 

Il a des soubresauts d'êtres fuyant la flamme

et des henissements étranges de brûlé.

Les bons anciens croyaient, et de toute leur âme

qu'on ne le domptait pas. Quel beau rêve envolé !

 

Le zèbre - un oubli de la faune héraldique-

le zèbre n'est pas plus indomptable que vous

et moi. Sous le harnais, il blanchit, tout l'indique.

 

Tout l'indique à présent que, devenu très doux,

s'acclimatant au plus rafraîchissant usage,

le zèbre attelé traîne... Un tonneau d'arrosage.

 

 

 

 

 

 

 

 

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21 février 2011 1 21 /02 /février /2011 00:25

verlaine

 

Paul Verlaine (1844-1896)

 

 

 

Je suis plus pauvre que jamais

 

 

Je suis plus pauvre que jamais

et que personne :

mais j'ai ton cou gras, tes bras frais

ta façon bonne

de faire l'amour et le tour

leste et frivole,

et la caresse, nuit et jour,

de ta parole.

 

Je suis riche de tes beaux yeux,

de ta poitrine,

nid follement voluptueux,

couche ivoirine

où mon désir, las d'autre part,

se revigore

et pour d'autres ébats repart

plus brave encore...

 

Sans doute tu ne m'aimes pas

comme je t'aime

Je sais combien tu me trompas

jusqu'à l'extrême;

Que me fais puisque je ne vis

qu'en ton essence

et que tu tiens mes sens ravis

sous ta puissance ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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19 février 2011 6 19 /02 /février /2011 11:43

tristan-tzara.gif

 

 

Tristan Tzara (1896-1963)

 

 

 

Revue Dada

 

 

Cinq nègresses dans une auto

ont explosé suivant les cinq directions de mes

doigts,

quand je pose la main sur la poitrine pour prier dieu

     parfois

autour de ma tête il y a la lumière humide des vieux

    oiseaux lunaires

l'auréole verte des saints levée des évasions

     cérébrales

tralalalalalalalalalalalalala

qu'on voit maintenant crever dans les obus

 

il y a quelque part un jeune homme qui mange ses

     poumons

il fit un pet si lumineux que la maison devint minuit

comme un retour d'oiseaux qu'on chante dans les

     poésies

et la mort jaillie des canons coupe la conversation

    des vautours

le très grand voilier ouvrit son livre comme un ange

   cependant

on a fixé les feuilles printemps une belle page dans la

   typographie

zoumbaï zoumbaï zoumbaï dié

j'ai touché à tout au bien et au mal ah la joie du

  général

voilà pourquoi je mets sur chaque coeur une

draperie et sur chaque draperie il y a notre

seigneur et sur chaque seigneur il y a mon coeur

mon coeur je l'ai donné pourboire  hihi

 

 

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