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21 mai 2012 1 21 /05 /mai /2012 08:15

 

 jorge rebelo

 

Jorge Rebelo (1940-), poète mozambicain

 

 

Liberté

 

Liberté,

tu arriveras un jour

je le sais.

 

Si tu arrives tard,

bien après mon temps de lutte

et de conquête,

 

n'oublie pas 

que je t'ai aimé

universellement

 

et que je t'ai cherché

sans relâche

durant toute mon  

existence

               ignorée

 

Arrête-toi alors un instant

à côté de ma tombe

car bien que mort, je saurai te sentir et

te reconnaître,

et mourir à nouveau,

tranquillement

enfin.

 

traduit du portugais par E. Dupas

 

 

 

 

 


 

 

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21 mai 2012 1 21 /05 /mai /2012 08:15

 

 jorge rebelo

 

Jorge Rebelo (1940 -), poète mozambicain

 

 

Dans notre pays, les balles commencent à fleurir

 

Viens, frère, et dis moi ta vie

viens, montres moi les marques de révolte

que les ennemis ont laissé sur ton corps

 

viens, et dis-moi "Ici 

mes mains ont été écrasées parce qu'elles

défendaient 

la terre qui leur appartenait"

 

Ici mon corps a été torturé

parce qu'il refusait de ployer devant

les envahisseurs"

 

Ici ma bouche a été blessée

parce qu'elle osa chanter

la liberté de mon peuple"

 

Viens frère et dis-moi ta vie,

conte-moi les rêves de révolte

dont toi et tes pères et tes ancêtres

rêvaient

en silence

à travers des nuits sans ombre faites pour l'amour

 

viens me dire que ces rêves vont devenir la 

guerre,

la naissance des héros,

la reconquête de la terre,

des mères qui, sans crainte,

envoient leurs fils au combat.

 

Viens et dis moi tout cela, mon frère.

 

Après cela je forgerai des mots simples

que les enfants même pourront comprendre

des mots qui entreront dans chaque maison

comme le vent

et qui tomberont comme de rouges braises ardents

sur les âmes de notre peuple.

 

Dans notre pays,

les balles commencent à fleurir.

traduit du portugais par E. Dupas


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21 mai 2012 1 21 /05 /mai /2012 07:57

 

 AnietieIsong_bw.jpg

 

Aniete Isong (? - ?), poète nigérian

 

 

Ces nombreuses rivières

 

Lagos m'enveloppe comme une brume.

Il n'y a pas de boulot ici. Pas de postes vacants.

Oublie les pubs qui jonchent nos quotidiens.

Mon CV est en jachère sur des bureaux en acajou.  

Il n'y a pas de répit pour les pauvres.

Aucun. Jamais.

Je n'ai pas d'oncles pour appuyer ma candidature.

Aucuns parrains pour arranger mon recrutement.

Pas de sénateurs. Pas de généraux.

Aucun. Jamais.

Mais je survivrai.

Dans cette cité d'excellent désespoir,

je survivrai.

Ayilara*, rue des damnés.

Dans ton sein, j'ai trouvé du réconfort.

Dans ton souffle, j'ai trouvé du secours.

Les connexions sont sans artifice dans tes arrière-cours.

Les tripes, seulement les tripes.

Les vraies tripes.

 

Lentement, l'innocent chaton devient un tigre.

Lentement, l'indolent ver devient une vipère.

 

Hier, mon père s'est exclamé :

"Voici ma fille bien-aimée dont je suis si heureux".

Ce jour, cette heure.

Devrais-je dire que j'ai été une sculptrice,

modeleuse de passion et de furie ?

Devrais-je dire que j'ai été une tailleuse,

rapiéceuse de colère et de désirs ?

Ou Devrais-je simplement dire que j'ai été une putain ?

 

traduit de l'anglais par E. Dupas

 

 

Ayilara : une des grandes artères de la ville de Lagos, réputée pour être le lieu phare de la prostitution et de la consommation de drogues de la mégalopole nigériane.

 

 

 


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21 mai 2012 1 21 /05 /mai /2012 07:49

 kwesibrew

 

Kwesi Brew (1928-2007), poète ghanéen

 

 

La mer dévore nos terres

 

Ici se dressait notre ancestrale demeure :

le mur effrité indique l'endroit.

Ici un mouton fut conduit au massacre

pour apaiser et rendrent atones les dieux 

au regard des péchés que notre destin

avait épanoui en crimes.

Là mon père maudit se campa un jour

et nous cria, à nous ses enfants,

de revenir de nos jeux

pour notre repas du soir et notre sommeil.

 

Les nuages s'épaississaient dans le ciel rouge

et la nuit avait envoûté

une puissance noire dans les vagues pilonnantes.

 

Ici s'allongea une fois Keta.

A présent ses filles dorées

s'érodent dans les bras

de villes étranges.

 

 

traduit de l'anglais par E. Dupas

 

 


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14 mai 2012 1 14 /05 /mai /2012 18:09

 

chipasula.gif

 

Franck Chipasula (1949 - ), poète malawite

 

 

Un poème d'amour pour mon Pays

 

 

Je n'ai rien à te donner, mais ma colère

et les filaments de ma haine traversent la frontière.

Toi, tu as en a tant vendu et forcé comme moi à l'exil.

Maintenant à court d'esprits précieux, tu te reposes sur

tout ce qui peut pousser pour construire ton image qui s'effrite.

 

Tes rues sont jonchées d'hommes menottés

et tes tambours sont les bruits sourds des bottes à clous des gardiens.

tu te tortille en agonie tandis que les jumeaux terribles, Loi et Ordre,

entonnent leur air à travers l'épais tunnel des fils barbelés.

 

Ici, semaine après semaine, les murs se dissolvent et maigrissent,

le brouillard s'estompe et nous te voyons nu comme

un corps qui se met à rude épreuve pour se retrouver, mais n'y parvient pas,

et nos coeurs battent avec des impulsions de peur ou de désir

et nos rêves sont les chapitres carbonisés de ton histoire.

 

Mon Pays, souviens toi que je n'ai jamais fermé l'oeil ni dormi,

Mon Pays, je n'ai jamais laissé ta vie glisser sur la mauvaise pente

je ne t'ai jamais regardé passivement te hâter de t'écraser

comme un tacot surexploité tandis que le chauffeur s'éjecte en route.

 

Les jours ont perdu leur chanson et leur sel

nous nous ennuyons sans nos rires et nos voix libres,

chaque jour à méditer les mêmes choses et écarter nos espoirs.

Tes jours sont bruyants, avec le cliquetis des menottes

sur les bras des homme qu'on emmène au loin pour les laisser pourrir.

 

Je sais qu'un jour viendra, qui nettoyera ma douleur,

et émergera dans la nuit, réduisant tout en miettes d'une chanson

comme le soleil, balayant enfin toutes ces étoiles mauvaises.

 

 

traduit de l'anglais par E. Dupas


 


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14 mai 2012 1 14 /05 /mai /2012 15:48

jorge_rebelo.jpg

 

Jorge Rebelo (1940 - ), poète mozambicain

 

 

Poème d'un Militant

 

Mère

J'ai une arme à feu

Moi ton fils

celui qu'un jour tu vis

ployant sous les fers

(et tu pleurais alors

comme si mes chaînes t'enserraient

et te saignaient

mains et pieds)

libre désormais ton fils est fin prêt

ton fils a une arme à feu

 

mon fusil brisera toutes les chaînes

ouvrira toutes les prisons

abattra tous les tyrans

rendra la terre à notre peuple

 

Mère il est si beau de lutter pour la liberté

il y a un message de justice

dans chaque balle que je tire

et les vieux rêves se réveillent

 

Au combat, sur le front

ton image si proche m'envahit

je me bats aussi pour toi, Mère.

 

Afin que les pleurs ne baignent plus tes yeux.

 

 

traduit de l'adaptation anglaise par E. Dupas

 

 

 

 

 

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11 mai 2012 5 11 /05 /mai /2012 10:21

MAPANJE.jpg

 

Jack Mapanje (1944 - ), poète malawien

 

 

Les Coquillages de la plage de Bridlington North 

 

Ella haïssait tout ce qui était encagé, les poissons en particulier,

les poissons encagés dans des aquariums, des étangs, ou quoi que ce soit;

 

"Ca me rappelle les prisons et l'esclavage" disait-elle;

alors, quand pour la première fois sa vue embrassa la vaste verdeur

 

de la plage de Bridlington miroitant en ce

jour d'été anglais, elle salua le paysage comme

 

une fille du sahara aux pieds déssèchés, prenant l'eau, prenant l'eau,

dans le creux de sa main comme une démente, nettoyant ses paumes,

 

sautillant et riant, puis frottant ses mains

sur sa robe, elle jeta son derrière sur les sables de la

 

plage et laissa la mer inspirer et expirer sur elle

tandis qu'elle détendait ses jambes croisées - "Libre, enfin !"

 

annonça-t-elle aux foules inconscientes du rivage;

et comme le paysage marin se ralliait puis disparaissait

 

à ses pieds, elle dessina une carte du monde : "Les Pays-Bas

que nous avons visité doivent être ici ; la Norvège, la Suède, là,

 

"Au delà, La Russie !" Puis rassemblant plus de coquillages

et les choisissant un par un, elle se tourna vers lui :

 

"tu te souviens d'avoir mangé du porridge de

coquillages de mer une fois ?" Il hocha la tête, souriant

 

en songeant à un autre souvenir des lacs africains qu'ils avaient été contraints

d'abandonner. "Un jour, peut être, je prendrais cette maison

 

pour fêter ça !" Dit-elle en appesantissant son regard sur la profonde mer.

Aujourd'hui, ses galets en forme d'oeufs, ses perles de coquillages

 

brillent encore à l'appui fenêtre; ses voeux résonnent encore,

"Change régulièrement l'eau dans les récipients pour

 

que les galets et les coquillages continuent de briller - tu verras,

c'est bien plus sain que de nourrir des poissons dans un bocal !

 

 

traduit de l'anglais par E. Dupas

 

 


 


 

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7 mai 2012 1 07 /05 /mai /2012 13:45

adamou-ide.jpg

 

Adamou Idé ( 1951 - ), poète nigérien

 

J'ai peur !

 

J'ai peur !

Oui, je ne vous le cache pas,

je  le dis : j'ai peur !

J'ai peur de tous les hymnes que vous chantez

elixirs vomis à tue-tête, poitrine en avant,

j'ai peur de vos drapeaux qui claquent au vent de votre folie

j'ai peur, oui, je vous le dis,

de vos tentes dressées partout

dans les jardins fleuris 

J'ai peur de vos jeux d'adultes

dans les allées coutumières

Je sais qu'un jour vous aurez ma peau !

J'ai peur, oui,

je vous le dis

J'ai peur de vos mains gantées qui cachent mille cactus

J'ai peur lorsqu'un enfant appelle la vie

dans son berceau glacé

J'ai peur quand il s'extasie

car Je sais qu'un jour 

vous aurez sa peau !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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5 mai 2012 6 05 /05 /mai /2012 19:05
Kofi_Anyidoho_preview.jpg
 
 
Kofi Anyidoho (1947 - ), poète ghanéen
 
 
Avant la saison des baïonnettes
 
 
Avant la saison des baïonnettes
 
il y avait la saison de la houe
nous grandîmes les yeux émerveillés
admiratifs et humbles devant
le miracle du chêne gigantesque
profondément enraciné au sol
depuis la plus minuscule semence du mystère.

En ces temps de la moisson de nos âmes
il y avait de tels feux dans nos yeux
nos esprits fleurissaient
en pétales jusqu'aux teintes d'arc iris évanouis
nous faisions l'offrande de fraîches et nouvelles images,
de rêves qu'avec dix doigts
nous pouvions modeler en objets
en pensées, en espoirs.

Mais alors ils sont arrivés
avec des bulldozers
avec les voitures blindées revêtus de camouflage
 
et désormais nous ressemblons
à des grains entassés dans les granges de fermes
qui récoltent des cercueils
 
sous des pluies de balles et d'armes à feu
notre chair est récoltée à la pointe des baïonnettes
à travers les froides bouches des fusils
notre sommeil est déchiré en deux
une moitié se donne au coup de canon
et arrache l'autre à un silence plus profond
que la bouche sanglante d'un volcan

Il y aura des pluies au lever du soleil
il y aura des tourments au coucher du soleil
 
les os germeront en pampres plus verts
que le vert de la plus adorable Mamba
des ruisseaux de venin irrigueront nos champs
restaurant ce sol aux temps ancestraux de fertilité
 
traduit de l'anglais par E. Dupas
 
 
 
 
 
 
 
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29 avril 2012 7 29 /04 /avril /2012 16:19

taban-lo-liyong.jpg

 

 

Tabon Lo Liyong (1929 -), poète soudanais

 

 

Ceux là qui implorent la pluie...

 

 

Ceux là qui implorent la pluie
doivent souhaiter la bienvenue à l'inondation


lorsque tu désires quelque chose
et la désires passionnément,


Le Dieu qui se terre derrière la maison
entends toutes tes prières
il a ses drôles de manières d'agir
parfois il ignore tes souhaits
parfois il les exauce tardivement
et d'autres fois il remet la réponse à plus tard

 

quand il s'éveille du mauvais côté du lit
il surcompense pour excuser son retard
et urine partout sur le sol

 

Tes reproches tes applaudissements,  tes scrupules sont sans effet sur lui.

Pour qu'il agisse, il est pour lui suffisant que tu cries

 

Ton pas en avant en pensée est entièrement ton péché.


Les mondes avec lesquels tu peuples ton jour
sont le fief où il règne en souverain.

La porte détraquée l'accompagnera à l'intérieur.

Quand la minijupe fendue offre prise à l'oeil
un autre monde éclot, plus réel que le rêve
le monde par delà  la nuit devient plus réel

L'évolution a enseigné à l'homme de s'allonger sur le dos
et regarder avec Jacob les gobelins qui descendent l'échelle...

lorsque nous mourons, nous devenons des flocons survolant
nos chemins

dedans et hors les rêves et la fantaisie

habitants des interstices du temps
faisant des apparitions d'invités
dans les arènes des rêveurs

 

 

traduit de l'anglais par E. Dupas

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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