John Masefield (1874-1967), poète anglais
Sur la Vieillesse
Sois avec moi, Beauté, car le feu est en train de mourir,
mon chien et moi sommes vieux, trop vieux pour repartir;
L'Homme, dont la jeune passion fait s'envoler les embruns,
devient vite trop boîteux pour marcher, trop froid pour aimer;
Je prends le livre et me recueille auprès du feu,
tournant de vieilles pages jaunies, minute après minute ,
l'horloge tictacque au rythme de mon coeur; une corde usée
déplace un mince fantôme de musique dans l'épinette.
Je ne pourrais jamais plus naviguer dans tes mers, ni vagabonder
dans tes terres fertiles en blé, ton pays vallonné,
tes vallées, ni prendre part à cette bataille
où le jeune chevalier rassemble l'escadre désunie.
Je ne demeure calme que lorsque mon esprit distingue
la beauté du feu de la beauté des braises.
Beauté, aie pitié ! Car les puissants ont le pouvoir,
les riches leur fortune, les belles leur charme,
l'été de l'homme sa lumière solaire et ses fleurs.
Le printemps de l'Homme est tout Avril en un visage.
Aussi, comme le mendiant qui, sébile en main,
ne demande qu'un penny à la foule des passants
dans la cohue du Strand, où le monde défile, s'amuse, ou s'écrie,
de ce Monde scintillant sous toutes ses coutures,
de son feu, du jeu des hommes,de son agitation, de sa marche en avant,
ne me donne que la sagesse, Beauté, la sagesse et la passion,
ce pain de l'âme, cette pluie dans l'été brûlant.
Ne me donne rien de plus, et ainsi,
bien que les ténèbres se rapprochent,
même la Nuit fleurira comme la rose.
traduit de l'anglais par E. Dupas