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6 juin 2012 3 06 /06 /juin /2012 22:54

 

john masefield

 

John Masefield (1874-1967), poète anglais

 

 

Sur la Vieillesse

 

Sois avec moi, Beauté, car le feu est en train de mourir,

mon chien et moi sommes vieux, trop vieux pour repartir;

L'Homme, dont la jeune passion fait s'envoler les embruns,

devient vite trop boîteux pour marcher, trop froid pour aimer;


Je prends le livre et me recueille auprès du feu,

tournant de vieilles pages jaunies, minute après minute ,

l'horloge tictacque au rythme de mon coeur; une corde usée

déplace un mince fantôme de musique dans l'épinette.

Je ne pourrais jamais plus naviguer dans tes mers, ni vagabonder

dans tes terres fertiles en blé, ton pays vallonné,

tes vallées, ni prendre part à cette bataille

où le jeune chevalier rassemble l'escadre désunie.

Je ne demeure calme que lorsque mon esprit distingue

la beauté du feu de la beauté des braises.

 

Beauté, aie pitié ! Car les puissants ont le pouvoir,

les riches leur fortune, les belles leur charme,

l'été de l'homme sa lumière solaire et ses fleurs.

Le printemps de l'Homme est tout Avril en un visage.

Aussi, comme le mendiant qui, sébile en main,

ne demande qu'un penny à la foule des passants

dans la cohue du Strandoù le monde défile, s'amuse, ou s'écrie,

de ce Monde scintillant sous toutes ses coutures,

de son feu, du jeu des hommes,de  son agitation, de sa marche en avant,

ne me donne que la sagesse, Beauté, la sagesse et la passion,

ce pain de l'âme, cette pluie dans l'été brûlant.

Ne me donne rien de plus, et ainsi,

bien que les ténèbres se rapprochent,

même la Nuit fleurira comme la rose.

traduit de l'anglais par E. Dupas

 


 

 

 

 

 


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6 juin 2012 3 06 /06 /juin /2012 21:46

 john-masefield.jpg

 

John Masefield (1878-1967), poète anglais

 

 

Cargaisons


Quinquérème de Ninive du lointain Ophir,

souquant pour retrouver son havre dans la Palestine ensoleillée,

avec une cargaison d'ivoire,

de singes et de paons,

de bois de santal, de cèdre et de doux vin blanc.

 

Majestueux galion espagnol s'en venant de l'Isthme,

mouillant à travers les Tropiques sur les plages de palmiers verts,

avec une cargaison de diamants,

d'émeraudes, d'améthystes,

de topazes, de cannelle et de moidoires d'or.

 

Noir caboteur britannique à la cheminée grumelée de sel,

s'immiscant dans la Manche dans les jours démentiels de Mars,

avec une cargaison de charbon du Tyne,

de rails, de saumon de plomb,

de bois de feu, de ferronnerie et de bacs d'étain bon marché.

 

 

traduit de l'anglais par E. Dupas

 

 


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4 juin 2012 1 04 /06 /juin /2012 00:29

nina cassian

 

Nina Cassian (1927-), poétesse roumaine

 

Un Homme

 

Alors qu'il se battait pour son pays, un homme perdit un bras et eut soudain peur :

 

"Dorénavant, je ne ferai plus les choses qu'à moitié :

Je ne faucherai plus que des moitiés de moisson,

Au piano, je serai capable de jouer ou l'air ou l'accompagnement 

mais jamais plus les deux ensemble,

Je ne frapperai plus aux portes qu'avec un poing,

et le pire de tout, je ne pourrai plus serrer qu'a moitié mon amour

Il y a même des choses que je ne pourrai plus faire du tout :

applaudir aux spectacles, par exemple, où tout le monde applaudit "

 

A partir de cet instant, Il décida de faire toutes choses avec deux fois plus d'enthousiasme.

Et là où le bras avait été arraché, une aile poussa.

 

 

traduit de l'anglais par E. Dupas

 

 


 



 



 

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3 juin 2012 7 03 /06 /juin /2012 23:58

nina-cassian.jpg

 

Nina Cassian (1927 - ), poétesse roumaine

 

 

Tentation

 

Je jure de te rendre plus vivant que tu ne l'as jamais été.


Pour la première fois tu verras tes pores s'ouvrir comme

les branchies des poissons et tu entendras le bruit du sang

dans tes galleries

et tu sentiras la lumière glisser sur tes cornées

comme la traînée d'une robe sur le sol;

 

pour la première fois tu remarqueras la pointe de la gravité

comme une épine dans ton talon

et tes omoplates te feront mal sous l'impératif des ailes.

 

Je jure de te rendre si vivant que

la tombée de la poussière sur les meubles t'assourdira,

que tes sourcils te feront l'effet de deux blessures en formation

et que tes souvenirs te paraîtront commencer

avec la création du monde.

 

traduit de l'adaptation anglaise par E. Dupas

 

 


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3 juin 2012 7 03 /06 /juin /2012 19:15

Hermann_Hesse_1925_Photo_Gret_Widmann.jpeg

 

Hermann Hesse (1877-1962), poète suisse

 

 

Un essaim de moucherons

 

Des milliers d'atomes scintillants

s'attroupent avidement

en cercles frissonnants.

Ils s'enivrent avec extravagance 

pour une heure entière disparaissant si promptement,

ils s'extasient, en délire, tourbillon strident,

frémissant de joie contre la mort,

tandis que des royaumes, plongés dans la ruine,

dont les trônes, lourds d'or, instantanément dispersés

dans la nuit et les légendes, sans laisser de trace,

ne connurent jamais danse si ardente.

 

      traduction par E. Dupas

 


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3 juin 2012 7 03 /06 /juin /2012 15:41

220px-France_Pre-eren-foto1.jpg

 

France Prešeren (1800-1849), poète slovène

 

 

Celui qui par le Sort est frappé sans relâche

 

 Celui qui par le Sort est frappé sans relâche,

qui, à mon pauvre instar, n'a jamais ses faveurs,

quand bien même il aurait cent mains pleines de ferveur,

c'est en vain qu'il tiendrait les biens de ce monde lâche.

 

Où qu'il aille, ses chemins sont tous jonchés d'épines;

partout où il s'enquit d'un logis, une mer

de malheurs vient s'abattre sur lui, roc amer

éreinté par le choc de mille vagues chafouines.

 

Balloté et traqué par Soucis et Besoin,

il ne trouve jamais nulle paix sur sa route,

bien qu'elle puisse le conduire aux sentiers les plus loins.

 

Ce ne sera qu'en l'au delà, passée l'absoute,

le temps des longues misères enfin expiré ,

que la Mort des fardeaux pourra le soulager.

 

Traduit de l'adaptation anglaise de J. Lavrin par E. Dupas

 

 

 

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1 juin 2012 5 01 /06 /juin /2012 01:00

 

Christina_Rossetti_4.jpg

 

Christina Rossetti (1830-1894), poétesse anglaise

 

 

Chanson

 

Mon bien aimé, quand je serais morte,

ne chante point de chanson triste pour moi.

Ne plante nulle rose par dessus ma tête,

ni même d'ombreux cyprès :

sois l'herbe verte dessus moi,

humide d'averses et de de rosée;

et si tu le veux, souviens-toi,

et si tu le veux, oublie.

 

Je ne verrai point les ombres,

je ne sentirai point la pluie,

je n'entendrai point le rossignol

continuer de chanter, comme s'il était douloureux :

et rêvant à travers le crépuscule

qui ni ne se lève, ni ne se couche,

heureuse, je pourrais me souvenir,

heureuse, je pourrais oublier.

 

traduit de l'anglais par E. Dupas

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30 mai 2012 3 30 /05 /mai /2012 01:09
mina-loy.jpg
Mina Loy (1882-1966), poétesse anglaise
Le Baedeker Lunaire
Un Lucifer d'argent
sert
de la cocaïne en corne d'abondance
à des somnambules
aux cuisses adolescentes
enveloppées
de draps satiriques
Peri en livrée
prépare 
le Léthé
pour des parvenus à titre posthume
des Avenues délirantes
allumées
avec les âmes de candélabres
d'infusoires
des pierres tombales du Pharaon
mènent
a des apocalypses mercuriennes
des Odieuses oasis
en de ridées phosphorées -
le blanc de l'oeil la lumière du ciel
le district de lumière blanche
des luxures lunaires
-signes stellectriques  
" l'Aile révèle le chemin des étoiles"
"Carrousel du Zodiaque"
des Cyclones
de poussière extatique
et des cendres font tourbillonner
des croisés
de citadelles hallucinatoires
de verre brisé
dans des cratères d'évacuation
un troupeau de rêves
paît dans la Nécropole
des rivages
d'océans ovaux
à l'Orient oxydé
des Odalisques oxidées
et des ornithologues
observent
l'envol
d'Eros l'obsolète
et l'"Immortalité"
moisit...
Dans les musées de la Lune
"Cyclope nocturne"
"Concubine de cristal"
....
criblée de personnification
la vierge fossile des cieux
croît et décroît...
traduit de l'anglais par E. Dupas

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28 mai 2012 1 28 /05 /mai /2012 10:36

 

 roald-dahl.jpg

 

Roald Dahl (1916-1990), écrivain gallois

 

 

 

Le Cochon

 

 

Il était une fois en Angleterre un cochon

bien gras et merveilleusement intelligent.

 

Tout le monde alentours disait qu'il était évident

que ce cochonet avait un cerveau hors normes.

 

Il avait calculé des sommes considérables,

il avait parcouru tous les livres possibles.

 

Il savait ce qui faisait voler un avion,

il savait comment et pourquoi marchaient les moteurs.

 

il savait tout cela, mais en fin de compte,

une question le turlupinait toujours :

 

il ne pouvait tout simplement pas deviner

quel pouvait bien être le sens de sa vie

     

Pourquoi avait il été placé sur Terre ?

Son cerveau géant en cogitait sans fin.

     

Hélas, aucune réponse ne pouvait être trouvée.

Jusqu'à ce que, soudain, par une nuit miraculeuse,

 

en un éclair  la lumière lui vint.

Il sautilla comme une ballerine,

 

et s'écria : "Nom d'une pipe, j'ai la réponse !

Ils veulent mon jambon, tranche après tranche

 

pour la vendre à un prix mirobolant !

Ils veulent mes tendres et juteuses côtelettes

 

pour les mettre à l'étal chez les bouchers !

Ils veulent ma viande pour un rôti

et c'est là ma partie qui coûte le plus cher !

 

Ils veulent mes saucisses en série !

Ils veulent même mes andouillettes !

 

La boucherie ! Le couteau à découper !

Telle est donc la raison de ma vie !

 

de semblables pensées n'étaient pas conçues

pour donner au cochon un grand esprit.

 

Le lendemain matin, le fermier Bland s'en vint,

un seau de pâtée pour porc dans la main,

 

et le cochonnet dans un rugissement terrible,

étala le fermier sur le sol d'une ruade.

 

Et voici le moment piquant de l'histoire

dont nous ne causeront pas trop inconsidérément,

 

car le Cochonet dévora le fermier Bland,

il l'engloutit de la tête au pied,

 

mâchant les morceaux en les savourant lentement.

si bien qu'il lui fallut une heure pour atteindre les pieds,

 

parce qu'il y avait tant et tant à manger;

et quand il eût fini, le cochon, bien sûr,

 

ne ressentit pas le moindre remords.

Lentement il gratta sa tête ingénieuse

 

et il dit avec un petit sourire :

"J'ai eu la terrible intuition 

 

qu'il voulait se servir de moi pour son repas,

et donc, comme je craignais le pire,

 

j'ai pensé que je ferais mieux de le manger le premier. "

 

 

traduit de l'anglais par E. Dupas

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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27 mai 2012 7 27 /05 /mai /2012 22:27

 wiliam-blake.jpg

 

Wiliam Blake (1757-1828), poète britannique

 

 

Un arbre empoisonné 

 

 

J'étais en colère contre mon ami:

je dis mon courroux, et mon courroux s'évanouit.

j'étais en colère contre mon ennemi:

Je tus mon courroux, et mon courroux grandit.

 

Et je l'arrosai avec des peurs,

nuit et matin avec mes pleurs;

je l'ensoleillai avec des sourires,

et des ruses douces et tromperies pires.

 

Et la colère alla nuit et jour grandissante

jusqu'à produire une pomme luisante.

Mon ennemi en admira l'éclat.

Et il sut qu'elle était à moi.

 

dans mon jardin il la déroba

quand la nuit avait mis son drap.

Et, dans le matin, heureux je vis

étendu sous l'arbre mon ennemi.

 

traduit de l'anglais par E. Dupas

 

 

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