Georg Trakl (1887-1914)
Banlieue sous le Foehn
L'endroit est brun et désolé, le soir,
l'air traversé de puanteurs horribles.
Le tonnerre d'un train sur l'arche du pont-
et des moineaux volent au dessus des buissons et des haies.
Cabanes tapies, sentiers eparpillés,
confusion et mouvement dans les jardins,
parfois s'enfle un hurlement au milieu de l'agitation sourde,
une robe vole, rouge, dans une troupe d'enfants.
Un choeur de rats siffle amoureusement près des ordures.
Des femmes portent des entrailles dans des paniers,
cortège écoeurant de crasse et de gale,
elles émergent de l'obscurité.
et soudain un égout vomit un sang épais,
de l'abattoir dans la rivière tranquille.
Les foehns avivent la couleur des arbustes maigres
et la rougeur s'étire lentement dans les eaux.
Un chuchotement qui se noie dans le soleil trouble.
des figures dansantes s'élèvent des rigoles,
souvenir peut être d'une vie antérieure,
qui monte et retombe avec les vents chauds.
Dans les nuages apparaissent des nuées étincelantes
emplies de beaux chars d'audacieux cavaliers.
puis on voit encore un bateau se briser aux écueils
et quelquefois des mosquées aux couleurs roses.