Franck Venaille (1936- )
Le point de non retour
Tu m'as aimé- comment le pouvait -on- tu m'as
aimé de tous tes ongles de tout ton âge de femme de
toutes tes années sérieuses et pauvres de chacune
de tes nuits solitaires ton large corps dans les draps de ma mélancolie
de mon angoisse de ma tristesse contagieuse tu m'as aimé comme jamais
comme la vie donne la vie et les doigts se dénouent et mes haines s'effondrent
combien de fois ai-je égrené le chapelet de tes seins
balbutié la pirère folle de ton prénom cru même aux miracles
Mais je n'étais pas la vie tu as dormi rêvé avec son contraire
tu t'es blottie pas même dans la mort mais dans la dérision
le phantasme contre le triste et doux attendrissement sur soi même
et tu n'as eu que le squelette vorace de la mort
qu'un malade qui attend tout de ses rechutes
c'est cela : à toute ta santé toujours j'ai préféré le vaccin de l'angoisse
l'herbe du désespoir.