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7 mars 2012 3 07 /03 /mars /2012 17:14

mary stanley

 

Mary Stanley (1918-1980)

 

 

L’Épouse parle

 

Etant une femme, je ne suis

pas plus que l'homme ni moins

mais réponds à des impératifs

de forme et de croissance.  L'os

atteste de la fille à  poupées,

qui a grandi pour savoir que la lune

déroule ses marées pour irriter

le coeur. Une maison conçoit

pour ma journée un artefact 

de soins pour  mettre les aiguilles

de l'horloge à l'heure, et les heures sont rondes

avec des yeux interrogateurs. La nuit met

une oreille sur le silence là où

un enfant pourrait pleurer. Je ferme

mes livres et sais que les évenements

sont des gens, que sur  toutes les routes

partout rentrent chez eux

femmes et hommes pour se poser

des questions sous leurs toits.

Je vois Icare tomber

du ciel devant 

ma porte, laid,

envieux des anges, mais emplumé

pour une mort sanglante.

 

 

traduit de l'anglais par E. Dupas



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7 mars 2012 3 07 /03 /mars /2012 16:20

mary stanley

 

Mary Stanley (1918-1980), poétesse néo-zélandaise

 

 

Recenser  la perte perpétuelle

 

Automate dont le geste raidi écrit

des notes aux visages, rien n'échappe à ta main.

Un doigt irresponsable comme le vent

ou l'eau estompe toute trace

de l'image aimée rendue finalement anonyme.

Plus légèr que la poussière, le baiser dont on se souvient est perdu

à jamais sur la lèvre de la chance. Par le changement

le coeur migrateur est tourné vers de nouvelles

préoccupations; heure par heure, acte

par acte. Ce contrepoint du souffle supprime

le passé, vide l'écho de l'oreille.

Quel miroir, quel cristal hiémal pourrait recenser

la perte perpétuelle, frotter mes yeux jusqu'aux larmes

par la séparation ? Ce Je, je fus, n'est pas seulement

vieilli par les ans, il rejette la jeune fille

que je ne voudrais pas reconnaître

et dont les illusions

devenues trop maigres avec l'usage 

ne sont d'aucun secours pour répondre à

la froide et irréfutable logique de la mort.

 

 

traduit de l'anglais par E. Dupas

 

 


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7 mars 2012 3 07 /03 /mars /2012 15:48

mary stanley

 

Mary Stanley (1918-1980), poètesse néo-zélandaise

 

 

Les Epaves

 

Au large, la mer échoua ces épaves, leurs côtes

nettoyées par les saisons de sel, et ici 

la vague violeuse est maîtresse enfin.

 

Enterrement sans cloche. Cormoran et goëland

prêchent leurs hérésies au dessus des débris

noyés et engloutis que personne ne pleure.

 

 

Traduit de l'anglais par E.Dupas

 

 

 

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7 mars 2012 3 07 /03 /mars /2012 15:28

 

mary-stanley.jpg

 

Mary Stanley (1919-1980), poètesse néo-zélandaise

 

 

Héraclite prêchait à Éphèse 

 

Héraclite prêchait à Ephèse que

toutes les choses coulent ignorant que

le déluge vert se lève et jaillit hors

de tes profondeurs tes caps

échoués tes promontoires pour remplir

tous mes terrains vagues couvrant

mes pierres de semence pour 

se dresser en maïs jusqu'à hauteur de genou et satisfaire

le règne arbitraire de mon sang.

Cette chose que tu as forgé

en moi n'impose pas d'âge

mais double la colère de notre humeur

qui doit la toucher ou l'atteindre. J'invoque cet amour

pour témoigner que nous respirons et nous mouvons.

 

traduit de l'anglais par E.Dupas

 

 

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2 mars 2012 5 02 /03 /mars /2012 23:09

HONE.jpg

 

Hone Tuwhare (1922-2008), poète néo-zélandais

 

Réflexions sur un proverbe soufi

 

Il y a bien longtemps de cela j'étais un atome. Une unité en deux, superbement assemblée.

Plein de potentiel, j'étais proche de mon essence. Je suis mort en tant qu'atome

et j'ai progressé vers une autre forme. Je suis devenu une pierre à peine fondue.

J'étais en refroidissement.

 

Je suis mort en tant que pierre et je suis devenu une plante aquatique.

En tant que plante, j'ai appris à piéger et manger de la viande. Je suis mort en tant

que plante et suis devenu poisson. En tant que poisson, des ailes m'ont poussé

en volant bas dessus les eaux soulevées. Puis j'ai voulu voler en cercles, haut dessus

les verdoyantes tourelles d'écologisation des terres.

 

Quand je suis mort en tant que plante, une autre branche mienne que j'aimais

se vit pousser des jambes et rampa hors de la mer - sur ses cinq membres. Ou était-ce

six ou sept ? Peu importe, j'avais des bras, des jambes, et deux mains avec lesquelles

j'appris à ramasser des cailloux et tailler un bâton.

 

L'autre branche volante issue de moi essaya de m'arracher les yeux. Ils se moquèrent de moi

parce que je n'avais pas embrassé une carrière de créature volante. J'ai fait fi des railleries,

plongeant hors de vue pour éviter le danger. J'ai appris à jeter des pierres. Et bientôt, avec une précision

accrue j'ai pu mettre à mal mes bourreaux.  J'ai mangé leurs plumes et  le reste,

n'apprenant seulement que plus tard à les garder pour me parer.

 

J'ai progressé d'une plante et suis devenu animal. Je suis mort en tant qu'animal et

suis devenu homme. A Présent... Je n'ai jamais plus crû en mourrant, comprenez- vous ?

 

Je veux redevenir pierre, mais pas de ce genre aussi froid que la nuit éternelle - la face cachée de la lune.

Parce qu'une pierre a une aussi bonne forme ou dimension que n'importe quelle autre.

Compacte et lissée pour devenir un million de grains de sable murmurants, s'effritant tranquillement

pour retourner à on ne sait quelle poussière ancestrale, en temps et en heure, aussi, 

précisément,  et avec une élégance résignée. 

 

Traduit de l'anglais par E. Dupas

 

 


 

 


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22 février 2012 3 22 /02 /février /2012 20:07

Avia--Donna-Tusiata.jpg

 

 

Tusiata Avia (1966 - )

 

 

Des chiens sauvages sous ma jupe

 


Je veux faire tatouer mes jambes.
Non pas en bleu ou vert,
mais en  noir.

Je veux m'asseoir en face du Tufuga *
et savoir qu'il a l'intention de m'infliger de la douleur.
Je veux lui faire sortir son ciseau
et son marteau
et qu'il frappe mes cuisses
qu'il en martèle toute la circonférence
comme un tour du monde à la marche
comme pagayer à travers tout l'Océan Pacifique
sur une bûche
en sachant qu'une fois lancé sur les flots
avec les chiens à bord
on ne pourra plus regarder en arrière, maintenant.

Je veux mes jambes aussi fortes que les dents des chiens
des chiens sauvages 

des chiens sauvages de Samoa
de ce genre galeux qui mord les étrangers.

Je veux mes jambes pareilles à une pieuvre
une pieuvre noire
qui attrape des rats et les mange.

Je voudrais même mes jambes pareilles à des centipèdes,
les centipèdes noirs,
ceux qui piquent et font enfler la peau pendant des semaines.

Et quand le tatouage sera fait
Je veux que le Tufuga
s'asseoie et sache que ces jambes ne sont pas les siennes
que jamais elles ne le furent

Je veux effrayer mes amants
les laisser médusés assis en face de moi
à siffler dans leurs dents.

 

 

 

(* NDTR :  dans la culture des Îles Samoa, le Tufuga est le maître tatoueur).

 

 

  Traduit de l'anglais par E. Dupas

 

 


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20 février 2012 1 20 /02 /février /2012 17:00

john-pule-1988.jpg

 

 

 

John Puhiatau Pule (Niue, 1962- )

 

Dauphins, nectarines et tortues


Dauphins, nectarines et tortues,
et tout d'un coup, ils vous jaillissent de la
bouche; des kilomètres de larmes comme le grand fleuve
d'Amérique, se déversent des yeux de l'albatros
qui sors la tête de dessous votre poitrine.

De fascinants perroquets et des colombes aussi,
s'envolent du blé de vos paumes
directement vers le paradis. Une mer silencieuse
tire une île par ses racines et
vous dormez là avec les chevaux d'un rêve.

Une voix mélancolique résonne dans
votre coeur, on entend un Tui étouffer
ses plumes comme un cygne mourant. Des fourmis
meurent par milliers tandis qu'elles luttent
contre vous. Et vous pleurez comme l'Hélene captive.

Des fruits savoureux poussent près de vos pieds,
vous dormez avec des bananes, des prunes, des raisins,
et des melons. Au réveil le ciel
jette des ombres énormes d'oiseaux qui picorent
le pain blanc, et des pêches, et des noix.

Vous ressemblez à un tournesol boiteux aux pétales
géantes qui pendent de vous comme de la tristesse.
Vous venez de palmiers supportant des formes
de baleines et de saumons. Vos yeux sont clos
enfermés par l'épée de mon coeur.

Et quand vous riez, vous semblez
mener le vent à travers les grottes d'argent
des îles, avec d'humides ananas
et frangipanes. Avec de l'arbre à pein en vrac sur vos cheveux,
crabe femelle, qu'elle est adorable votre coquille !

La chair de baleine morte et de dauphins aux yeux crevés
s'enfouissent dans notre malheur, comme des fleurs
sur les tombes antiques, massacrés comme des moutons
et des génisses, deux coeurs, deux arbres tirés
d'une image exécutée par ce grand amour triste.

Dormir la nuit devient la chanson d'un
millier de mites qui naissent de vos cheveux,
à chaque souffle, à chaque fois que votre bouche s'ouvre,
des papillons, des clowns heureux, virevoltent;
vient à vos lèvres assoupies un excitant parfum.

La raie pastenague vous a piqué. Ma voix
a lâché de noirs geysers, des bassins de boue chaude,
les katipos rampent de vos pieds; sinistre
morbide et sans soleil, le ciel tombe
comme une pierre, et une crucifiction saigne.

Les champs rient avec le bruit d'enfants;
les montagnes sympathisent avec le grimpeur frénétique;
les océans sont pareils à des vêtements, et aux dauphins,
poisson et baleine, ils sont éternellement entourés d'une eau douce et sécurisante.

Vous tombez dans la réclusion de baies désolées,
vous vous tenez sur les sables noirs
de rivages dépeuplés; vous voyez la tête d'un lion
avec le corps d'un chien et le corps d'un papillon
avec la tête d'un oiseau cloche meurt devant vous.


L'Ete est la vie, la vie est l'Eté,
sur la pointe des pieds vous passez des nuits silencieuses,
fredonnant la rosée et de douces rares étoiles qui
brillent jour et nuit sans cire.
Vous pouvez être pareil à un clown, sans le masque.

 

traduit de l'anglais par E. Dupas

 

 


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20 février 2012 1 20 /02 /février /2012 15:53

EMMA-KRUSE-VAAI.jpg

 

 

Emma Kruse Vaai (Iles Samoa)

 

 


Mission Mangues

 

 

Les branches sont chargées

de douces et succulentes mangues

si gorgées de jus

si tentantes

en cette chaude et inutile après-midi

 

Le vieux Vili boit son thé

il ne verra pas

avec son dos tourné; oserons-nous, oserons-nous ?


Les pécheurs les voleurs de mangues brûleront en enfer

mais pour le moment qu'il en soit ainsi

Tu prends le bâton

je tiens le  t-shirt

ne fais pas de bruit

contentes toi de viser les tiges

un, deux, trois....

 

 Wouh ! Wouh! Wouh !

 

Oh merde ! Le chien, le chien

ton chien mouchard de merde


Wouh! Wouh !  "QUI EST CE LA  ?
FILS DE PUTE – SORS D'ICI !"

beugles le vieux Vili au dos tourné.

 

Vite ! Cours ! Il a un flingue !

Fous un coup de pied à ton merdeux mouchard gâcheur de chien

Cours ! Cours ! Avant que Vili ne prenne son flingue !

 

De si douces et succulentes mangues

seulement deux malheureusement
une pour toi et une pour moi
en cette chaude et pécheresse apres-midi

 

 

traduit de l'anglais par E. Dupas

 

 

 

 

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